Louis Seigner | Naissance : 1903 Décès : 1991 | |
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1933
Chotard et Cie
1938
Entente cordiale
1941
Nous les gosses
1943
Les anges du péché
1943
Goupi mains rouges
1943
Le voyageur de la toussaint
1943
Premier de cordée
1943
Les Roquevillard
1943
Vautrin
1943
Le corbeau
1946
Les Chouans
1946
Un revenant
1946
La femme en rouge
1946
Jericho
1948
Le colonel Durand
1948
D'homme à hommes
1950
Miquette et sa mère
1950
nouveau
Coq en pâte
1950
La Marie du port
1951
Le dindon
1951
Maître après Dieu
1952
Son dernier Noël
1952
Adorables créatures
1952
Le plaisir
1952
La fête à Henriette
1952
Les amants de minuit
1952
Nous sommes tous des assassins
1952
Le jugement de dieu
1953
Lucrèce Borgia
1953
Si Versailles m'était conté
1953
Les dents longues
1953
L'ennemi public N°1
1954
Zoé
1954
Obsession
1956
Paris, Palace Hôtel
1957
Les espions
1957
Mister Bartleby
1957
Nathalie
1958
Les jeux dangereux
1958
Les grandes familles
1959
Le mariage de Figaro
1959
Les affreux
1959
Les yeux de l'amour
1959
Rue des prairies
1959
Le Malade imaginaire
1960
Le baron de l'écluse
1960
À pleines mains
1960
Le commissaire est bon enfant
1960
La vérité
1960
Le barbier de Séville ou la précaution i...
1961
Le président
1962
Poil de carotte
1962
Le petit garçon de l'ascenseur
1965
Les amitiés particulières
1966
Le malade imaginaire
1966
Soleil noir
1966
Les temps difficiles
1967
Le pacha
1969
L'Emigré de Brisbane
1969
Le dindon
1971
Nicomède
1971
Mais n'te promène donc pas toute nue
1972
Les rois maudits
1973
Molière pou...
L'illustre T...
1973
Molière pou...
Les Feux de ...
1973
Prêtres interdits
1974
Julie Charles
1975
Section spéciale
1975
Bons baisers de Hong Kong
1976
La femme de paille
1976
Mr. Klein
1977
Mais n'te promène donc pas toute nue
1977
Lorenzaccio
1977
Esprit de suite
1982
Les misérables
Louis SEIGNER
C’est peut-être dans « Un revenant » (1946) de Christian-Jaque que Louis Seigner a donné au cinéma la quintessence de son art : soyeux lyonnais sûr de son droit, il y incarne à la perfection le versant cynique d’une classe sociale, la bourgeoisie, dont pourtant il n’était pas issu. Mais, sur une carrière de plus de cent-vingt films, il nous reste tant d’images du bonhomme Seigner, pipe au bec et sourire matois au coin des lèvres, que nous n’hésiterons pas, à l’instar de ses élèves du Conservatoire, à le baptiser affectueusement « Gros Loulou » plutôt que « Monsieur le Doyen de la Comédie Française » !
D’origine modeste, il hérite de sa mère le goût du théâtre et entre en octobre 1920 au Conservatoire de Lyon. Titulaire d’un deuxième prix décerné à l’unanimité, il décide de tenter sa chance à Paris. Son maître restera Firmin Gémier qui, en novembre 1923, lui signe un contrat comme élève et acteur de complément à l’Odéon. Il tombe amoureux de la jeune première, Marie Cazaux, qui partagera sa vie pendant plus de soixante ans et renoncera à sa carrière pour élever sa famille. Sa carrière débute par les rôles de composition : il a vingt ans et joue déjà les vieillards du répertoire. A la demande d’Edouard Bourdet, il entre comme pensionnaire à la Comédie-Française le 15 février 1939 ; devenu sociétaire le 1er janvier 1943, il y restera trente-deux ans. Il faut dire que les beaux rôles ne manquent pas, de Monsieur Lepic dans « Poil de Carotte » (1941) à Orgon dans « Tartuffe » (1945) ou Monsieur Perrichon. En octobre 1951, il rencontre son personnage fétiche, Monsieur Jourdain : il jouera près de 2000 fois « Le bourgeois gentilhomme » sur la scène du Français ou lors de prestigieuses tournées internationales. Jean Meyer mettra en boîte la pièce pour le grand écran en 1958, ce qui nous permet d’apprécier l’hilarante séquence de la leçon de philosophie face à son ami Georges Chamarat.
Grâce à Charpin, un bon camarade de l’Odéon, il débute à l’écran dans la silhouette plaisante d’un gendarme amoureux dans « Chotard et Cie » (1932) de Jean Renoir. Il n’a guère de temps à consacrer au cinéma tout au long des années 30 mais à partir de 1941 et jusqu’au milieu des années 60, il va se multiplier, présent chaque année dans cinq films en moyenne, et même dix pour les années 1949 et 1959. Comme l’avait prédit Gémier, c’est en homme mûr qu’il se fait connaître du public des salles obscures : son physique, maintenant imposant, et son prestige le classent d’emblée dans la catégorie des notables. Il cumule les emplois d’instituteur, de prêtre, de juge ou de médecin mais, cassant ou matois, aimable ou autoritaire, il illustrera toutes les facettes de l’âme humaine. C’est ainsi que dans « Maître après Dieu » (1950) de Louis Daquin, il incarne un pasteur américain à l’onctuosité souriante, ce qui ne l’empêche pas de se laver les mains du sort de réfugiés juifs. Avec l’humilité du comédien rompu à tous les emplois, il se contente tout d’abord de brèves partitions comme celle du gentil beau-père d’Odette Joyeux dans « Le mariage de Chiffon » (1941) ou de l’instituteur de « Goupi-Mains-Rouges » (1942) mais on sent très vite son plaisir à camper les silhouettes grinçantes d’un notaire croqué par Simenon pour « Le voyageur de la Toussaint » (1942) ou du fielleux docteur Bertrand dans « Le Corbeau » (1943). Auprès de Raimu, « L’homme au chapeau rond » (1946), le voilà en père de famille prêt à sacrifier le bonheur de sa fille. Extraordinaire et inquiétant en gardien de prison assassin dans « La Chartreuse de Parme » (1947), il peut aussi bien nous émouvoir dans le rôle de l’otage de « Jéricho » (1945). Figure odieuse et pathétique échappée de la Comédie Humaine, il est si juste en banquier Nucingen dans « Vautrin » (1943) que sa partenaire sur scène, l’exigeante Madeleine Renaud, semble s’étonner de le découvrir à l’écran avant de le gratifier du bout des lèvres d’un compliment : « Mais vous êtes très bien, Seigner ! » Retrouvant le Lyon de son enfance dans « Un revenant » (1946), il campe un de ces bourgeois hypocrites qui ont pu faire croire qu’il était né dans ce milieu. Oncle tyrannique de François Périer chez Christian-Jaque, il peut tout aussi bien, dans le sketch d’Autant-Lara pour « Les sept péchés capitaux » (1951), se muer en tonton attentionné pour sa nièce Michèle Morgan tant il voudrait qu’elle échappe à l’emprise d’une mère égoïste. Dans « La fête à Henriette » (1952), un savoureux Duvivier, il joue d’ailleurs le scénariste optimiste qui veut le bonheur de son héroïne, contrairement à son collègue Henri Crémieux, scénariste qui broie du noir.
Avec la bénédiction de Christian-Jaque, il devient le riche protecteur de Martine Carol dans « Adorables créatures » (1952) avant de la retrouver dans « Nathalie » (1958) où cette « souris » énerve d’abord au plus haut point le commissaire irascible qu’il incarne. On peut d’ailleurs remarquer combien ce bon paterfamilias rêve à l’occasion d’une aventure avec quelques beautés de l’écran comme Maria Félix - « La belle Otero » (1954) – ou Michèle Morgan - « Marguerite de la nuit » (1955) – sans parler de la petite vendeuse jouée par Dany Robin dans « Les amants de minuit » (1953). Dans « Le plaisir » (1951) de Max Ophuls, n’était-il pas déjà l’un des clients assidus de la célèbre maison de Madame Tellier ? Mais la bourgeoisie arbore aussi le visage plus austère du président du tribunal de « La vérité » (1960) où les charmes de Brigitte Bardot le laissent de glace. Il partage avec Jean Gabin une forme de simplicité et le goût de la bonne chère, deux qualités suffisantes pour se retrouver avec plaisir sur les mêmes tournages, à partir de « La Marie du port » (1949). « Les grandes familles » (1958), « Le baron de l’écluse » (1959), « Le Président » (1960) ou « Le Pacha » (1969) scelleront une belle camaraderie professionnelle, doublée d’une admiration réciproque. Lorsqu’il le découvre à la télévision en homme d’affaires cynique dans la pièce de Bourdet, « Les temps difficiles » (1966), Gabin, épaté, prend la plume pour lui témoigner son amitié. Les films ne seront pas toujours du meilleur cru et Philippe Noiret se souvenait du doyen Seigner débarquant à Rome, « absolument fou de rage » de jouer dans « Les faux-jetons » (1962), « film exécrable » qu’il avait visiblement accepté pour des raisons économiques. Heureusement, d’autres tournages lui laisseront de beaux souvenirs comme « Le petit garçon de l’ascenseur » (1961) de Granier-Deferre ou « Les amitiés particulières » (1964). Il s’amuse avec Christian-Jaque ou Clouzot – évêque dans « Miquette et sa mère » (1949), le voilà accro à la morphine dans « Les espions » (1957) – et apprécie le travail de son partenaire Alain Delon dans deux chefs-d’œuvre : « L’éclipse » (1961) d’Antonioni et « Monsieur Klein » (1976) de Losey. Costa-Gavras aura l’intelligence de lui confier le personnage essentiel du Garde des Sceaux dans « Section spéciale » (1975), l’un de ses très grands rôles.
Nommé Doyen de la Comédie-Française le 1er janvier 1960, Louis Seigner devient professeur au Conservatoire à partir de septembre 1962, comme il l’avait déjà été le temps d’un film de Jacques Becker, « Rendez-vous de juillet » (1949). Bon papa râleur, plein de tendresse pour ses élèves, il reste un maître vénéré pour toute une génération de comédiens, au rang desquels on peut citer Francis Perrin, Ludmila Mikaël ou Jacques Villeret. Tous ont retenu sa maxime : « Faire du théâtre, ce n’est pas un métier, c’est une aventure ! » A la télévision, on le vit surtout dans les retransmissions du Français pour « Au Théâtre ce soir », campant quelques ganaches imaginées par Feydeau dans « Le dindon » (1969) ou « Mais n’te promène pas toute nue » (1971) et, plus roublard, le milliardaire de « La femme de paille » (1976). A tout seigneur, tout honneur, comment ne pas lui proposer le rôle du père de tous les comédiens dans « Molière pour rire et pour pleurer » (1973) ? Mais, pour les téléspectateurs des années 70, il reste le banquier Toloméi, paternel et rusé, dans « Les rois maudits » (1972). Avant que ne sonne l’heure de la retraite, Robert Hossein le dirige encore en juge Porphyre dans « Crime et châtiment » en 1975 ; il revient même au Français en 1977 pour « Lorenzaccio » dans une mise en scène de Franco Zeffirelli. La dernière image qu’il nous laisse à l’écran est celle d’un saint homme, le bon monseigneur Myriel qui montre à Jean Valjean la voie du bien dans « Les Misérables » (1981). Ses dix années de retraite seront remplies de lectures et d’une vie familiale bien remplie, d’autant que le clan Seigner habite le même immeuble, au 12 de la rue Pierre-et-Marie-Curie : sa fille Françoise occupe l’appartement voisin ; à l’étage du dessous, loge la famille de son fils, père de deux futures vedettes, Emmanuelle et Mathilde. Le soir du 20 janvier 1991, Louis Seigner s’endort en lisant dans son fauteuil ; sa pipe mal éteinte déclenche un incendie. Le comédien disparaît tragiquement. Toutefois, c’est bien l’image harmonieuse d’une riche carrière et d’une vie bien remplie que nous laisse ce grand serviteur du théâtre. Son poème favori n’était-il pas, justement, « Le Bonheur » de Paul Fort ?
Jean-Paul Briant