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Samy Frey Bernard Lecoq Martin Lartigue et Herve Sand
Ça démarre très vite, des images superbes défilent sous nos yeux à un rythme hardi qu'on épouse tout de suite. On reconnaît déjà le style de Claude Sautet : personne ne sait, comme le cinéaste des « Choses de la vie », faire glisser des voitures et des hommes avec cette élégance décontractée. La musique de Philippe Sarde nous emporte sur un ton d'humour vif, cela nous change enfin des partitions emphatiques d'Ennio Morricone qui n'est pas Beethoven et que l'on n'entend que trop. « César et Rosalie » raconte l'histoire d'une femme qui hésite et balance entre deux hommes. Oui, cela rappelle tout à fait le sujet de « Jules et Jim » mais Sautet et son scénariste, Jean Loup Dabadie, sont assez malins pour le dire avant nous. On dirait même qu'ils flirtent exprès avec les réminiscences comme on joue avec le feu... L'aventure de « César et Rosalie » est bien ancrée en 1972 et à Paris. Elle a eu lieu l'été dernier et pas au début du siècle. A preuve cet incessant ballet de voitures dont claquent les portières tout au long du film. Sautet aime les filmer (un peu trop peut-être, à la longue) et César adore les entendre ronronner. Dans « Jules et Jim » le vrai héros c'était l'héroïne, Jeanne Moreau, sa liberté suffocante pour l'époque, sa tranquillité d'âme entre les deux amis qui s'assombrissaient tandis qu'elle chantait. Dans « César et Rosalie », le héros c'est César. On a envie de dire que c'est « le Patron » : le patron de ses deux frères associés à son affaire de ferrailleur ; le patron pour les clients et au bistrot où, comme à la maison, il mène les conversations avec quelle faconde...
Un héros de Pagnol
Rustique, parvenu, hâbleur, truculent, César a l'air de sortir de chez Pagnol. Il est très content de lui, fier de ses chaussures (très chères), de ses voitures (très grosses), de sa Rosalie (son luxe et sa suprême distinction). Et puis voilà que David s'insinue dans le paysage. Il débarque comme un cousin le jour où la mère de Rosalie se remarie. Ce jeune homme sombre et silencieux consent à dire à César qu'il aima Rosalie bien avant lui. C'est une idée que Cesai n'aime pas, d'autant que David dévore Rosalie d'un regard de braise ardent. César fulmine, se mue en taureau de combat, casse tout chez David, devient tyrannique, brutal, inquisiteur et Rosalie s'enfuit... chez David.
Un film sans message
Alors l'arrogant César s'effondre, s'effiloche, perd sa superbe, sa joie de vivre. Mais ce combattant ne s'avoue pas vaincu : pour reconquérir Rosalie, il découvre des ruses de guerre amoureuse ; rachète une maison d'enfance en Vendée, y installe toute la famille et David par surcroît. Sautet en profite illico pour nous expédier une carte postale, pastiche de pêche à la crevette, pleine de poésie. D'ailleurs, le film nous tient tout au long sous le charme de ses images. Si l'on s'éveille, on s'aperçoit que l'on se moque éperdument des chassés croisés de César, Rosalie et David mais, sous la direction de Sautet, Yves Montand, émouvant César, Romy Schneider, pulpeuse Rosalie, et Samy Frey, beau ténébreux, nous le font oublier. C'est là un vrai divertissement sans message, c'est bien reposant.