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Vincent, François, Paul et les autres
Vincent Francois Paul et les autres
Vincent Francois Paul et les autres
Vincent Francois Paul et les autres
DEPUIS « Les Choses de
la vie » (Prix Delluc
1969) quil avait porté à
l'écran d'après le roman de
Paul Guimard, on sait que
les choses de la vie, au cinéma, c'est l'affaire de Claude
Sautet. Tous ses films devraient porter ce titre. Tous
crient de vérité, restituent
le poids, la chaleur des
vraies joies, des vraies peines ; tous pleins de la sève
riche et généreuse de la vie
et plus que les autres celui-ci : « Vincent, François,
Paul et les autres... », en
quelque sorte les choses de
la vie Opus 4.
Comme le disait un innocent à l'issue d'une projection : « Je vois que les
acteurs sont excellents mais
je voudrais bien qu'on me
raconte l'histoire... » C'est
pourtant vrai : il n'y a pas
d'histoire ; si toutefois un
fleuve et ses affluents n'ont
pas d'histoire, à moins qu'ils
n'en aient dix, vingt, cent,
selon les heures, les jours,
les saisons. C'est cela « Vincent... et les autres... » : un
fleuve et ses affluents qui
filent de concert vers le
large ; trois amis, leurs femmes, leurs enfants, leurs
copains, au fil de la vie quotidienne, dimanches et jours
ouvrables. L'un suit son
cours régulier, l'autre paresse au long de ses méandres, le troisième franchit
de dangereux rapides. Ensemble et séparément, ils
traversent les eaux calmes
de la joie, passent par les
confluents de l'amitié, les
défilés de l'amour ; se laissent emporter sur les vagues de la mélancolie, par
les grandes crues du désespoir et puis tout s'apaise,
se calme, s'assagit et poursuit sa route...
Film pessimiste ? Constat
d'échec ? Non, simplement
la vie, ses difficultés, ses
fêlures. Croit-on que lorsqu'ils font leur bilan professionnel et sentimental
tous les quadragénaires bien sonnés se révèlent triomphants ? Un écrivain besogneux, comme Paul, qui
noie volontiers dans un
verre son impuissance à
finir son roman, un médecin embourgeoisé, comme
François, qui découvre la
faillite dérisoire de sa vie
personnelle en dépit de sa
réussite sociale, un industriel pris au lasso des traites, comme Vincent, au moment même où craque sa
vie amoureuse, cela existe
et le film ne dramatise pas.
C'est la vie ! Regardez !
Donc, puisqu'il n'y en a
pas, ou trop, je ne vous
raconterai pas l'histoire de
Vincent, François, Paul et
les autres..., mais je ne saurais trop vous recommander
d'admirer la virtuosité avec
laquelle Claude Sautet vous
les présente. D'abord tous
ensemble, en guise d'ouverture, pendant la récréation
d'un dimanche, chez Paul et
Julia, qui habitent la campagne. Une partie de foot
où ils affrontent leurs cadets donne le ton. Dans ce
film sur l'amitié des hommes, les femmes, en contrepoint, ont infiniment d'importance et elles sont, c'est
rare, toutes sympathiques.
Fascinant d'intelligence
Le dimanche n'est pas fini que déjà l'on sait pas mal
de choses sur tous ceux de
la bande. On a très forte
envie d'en savoir davantage
et Sautet ne nous fait pas
languir ; il nous comble.
Avec un naturel tranquille,
il nous montre, tour à tour,
ses bonshommes dans leur
métier, leur cadre habituel
et leur vie privée. Pas une
image, pas un mot qui ne
soit révélateur ; c'est fascinant d'intelligence. A la fin
de la semaine, Vincent,
François, Paul et les autres sont devenus nos amis.
Elle a été rude, la semaine, pour tous ; le dimanche, chez Paul, sera orageux. Aux affectueuses
bourrades du dernier week-end, succèdent de cruelles
vérités au-dessus du gigot.
Et une semaine recommence où il se passe des
tas de choses émouvantes,
drôles et tendres ; rudes
aussi, comme le combat de
boxe de Jean, le frère de
Vincent devenu leur champion. Il est superbement
filmé, ce combat ; Sautet
n'enjambe jamais la scène
à faire. Le récit de Théramène n'est pas du tout dans
son style ; lui, il montre.
C'est peu de dire qu'avec
un chef d'orchestre comme
lui tout le monde est gâté.
Le spectateur d'abord, qui
n'a pas tellement l'habitude
qu'on lui serve un tel régal,
et puis les acteurs, tous au
mieux de leur mieux, au
point qu'ils semblent tous
improviser le dialogue si
juste de Jean-Loup Dabadie.
On ne saurait finalement
donner la palme à Montand
plutôt qu'à Reggiani, Piccoli ou Depardieu, tous parfaits. Côté femmes, Marie
Dubois mène nettement le
peloton, mais toutes jouent
avec un étonnant naturel ;
Antonella Lualdi, Catherine
Allégret, Ludmilla Mikaël
et Stéphane Audran, qui n'a
jamais été aussi bien employée. Sautet les met tous
en valeur ; jamais un seul
d'entre eux ne reste à la
traîne, sacrifié au profit des
autres, chacun joue sa partie en songeant aux autres.
Cette symphonie des bleus
à l'âme se fige, avec les
dernières notes du leitmotiv
ironique de Philippe Sarde,
sur la vision de quatre copains qui ont pris chacun
quelques rides et les cachent
dans les plis d'un sourire
à peine plus amer. La vie
continue !