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ELLE est belle, elle a trente-six ans, elle traverse une crise, celle de notre temps, fatigue générale, dégoût, vague angoisse... Son ami lui conseille une cure de thalassothérapie. L'établissement est parfait, les clients riches, sympathiques, les médecins tels qu'on imagine les cliniciens de luxe. Bains, douches, massages, natation, promenades se succèdent. Tout semble aller pour le mieux et, cependant, Hélène ne tarde pas à remarquer de petites « étrangetés » : le personnel portugais n'a aucun contact avec les pensionnaires, les habitants du village semblent détester les médecins et les malades ; son ami, même, lui paraît de plus en plus déprimé... Quand elle commence le vrai traitement, elle se retrouve une autre femme. L'inquiétude continue à l'envahir alors qu'apparemment rien ne semble justifier ses « inquiétudes ». Elle va vouloir savoir. Mais quelle vérité et à quel prix ?
Alain Jessua est un cinéaste subtil et discret. De « La Vie à l'envers » (1963) à cet étonnant, au sens propre du mot, « Traitement de choc »,on ne trouve que le meilleur film jamais réalisé sur l'univers de la bande dessinée « Jeu de massacre » (1967). Trois films en dix années, c'est la preuve d'une rigueur dans le choix du sujet comme dans celui de la qualité. Jessua, en fait, a toujours voulu ne montrer que ce qu'il avait à dire, profondément.
Il s'en explique (Revue du cinéma. Janvier 1973) en ces termes : « Il s'agit d'un film d'angoisse, de suspense... En fait, d'une fable, d'une fable d'épouvante, où l'humour trouve sa place de temps en temps, alors que tout devient de plus en plus angoissant... Cette femme se trouve placée, à un certain moment de son existence, devant un dilemme continuer à vivre tranquillement, supposant qu'il se passe de drôles de choses dans cet institut, ou essayer d'y voir clair, mais en prenant de plus en plus de risques. »
Jessua va jouer le jeu jusqu'au bout : certains trouveront terrifiant la fin de son film, d'autres non et, en fait, pour les mêmes raisons. Le cinéma français n'a jamais aimé l'épouvante, fût-elle subtile comme ici. L'atmosphère qui règne dans « Traitement de choc » n'est pas celle qui naît dans « L'Autre ». Elle a une qualité de fausse tendresse, de clin d'œil inachevé, de superbe indifférence. Il faut dire que Jessua a trouvé, avec Delon, avec Duchaussoy, avec la fabuleuse Annie Girardot, un trio de comédiens qui réussissent, constamment, à faire croire, à la fois, à leur réalité concrète et au décalage infime entre le solide et l'inquiétant.
Film fascinant, film qui laisse, longtemps après sa vision, un souvenir tenace, « Traitement de choc » est une œuvre lucide, moderne, malgré sa lenteur voulue du début et qui joue ( trop ) subtilement avec les nerfs de spectateurs parfaitement à même de se découvrir dans cet univers, apparemment vu par un seul personnage, mais qui nous montre notre propre vie. Montrer aussi clairement un personnage « réaliste » dans un monde qui sombre dans la folie était une gageure : Alain Jessua y réussit parfaitement. Trop, diront certains.