Si les fiches que je réalise pour BDFF pèchent parfois par leur non-exhaustivité côté distribution, c'est que je n’ai pu réunir le nom de tous les acteurs, faute de preuves. En effet, la passion du cinéma qui m’anime ne m’assure pas toujours les moyens d’investigations suffisants, aussi certaines fiches pourront-elles sembler bien incomplètes aux cinéphiles qui les consulteront. Elles ont cependant le mérite de se baser sur des éléments dûment vérifiés.
Toutes les images sont cliquables pour les obtenir en plus grand.
AUTANT prévenir : « Le
Mépris » est un film
qui ne plaît pas à tout le
monde. Il y a autant de fureur passionnée chez ses
partisans que chez ses détracteurs. Impossible de rester impartial devant une
telle œuvre ; j'avoue tout de
suite que je l'aime infiniment.
Le film commence par
une scène admirable que
Godard, dit-on, dut ajouter
à son film sous la pression
de ses producteurs. Dans
cette scène de nudité, qui
précède le générique, Bardot émerge d'ardentes ténèbres rougeoyantes dignes
d'un poème baudelairien. Ce
prologue imposé, Godard en
a fait un prélude nécessaire, d'une beauté voluptueuse qu'aucune coquinerie ne
vient souiller. Ah ! que l'on
est loin, ici, de chez M. Vadim. Mais revenons à M.
Godard.
Dans son « Mépris », il
y a au moins trois films,
trois thèmes qui s'enchevêtrent, se répondent, s'écartent, se rapprochent, s'accordent et s'exaspèrent pour
composer un chef-d'œuvre.
(Il est bien entendu, voir
plus haut, que ce chef-d'œuvre on peut le détester ! )
Au premier stade le film
est l'adaptation d'un célèbre roman d'Alberto Moravia : « Il Disprezzo » (Le
Mépris). L'histoire de Camille qui aime Paul, son
mari, totalement, et qui,
soudain, à deux ou trois indices (peut-être des malentendus) le découvre lâche,
veule et le méprise. Tour à
tour précise et lointaine,
l'adaptation du roman, parfaitement assimilé par Godard, fait qu'il s'agit bien
davantage d'un film de Godard que d'un ouvrage de
Moravia.
Le second thème c'est Godard à la découverte de la
femme, pardon, de la Femme, avec une majuscule.
Amorcé avec « Le Petit
Soldat », poursuivi dans
« Vivre sa vie » autour de
sa propre femme Anna Karina, l'auteur danse, ici, un
véritable ballet-poème autour de Brigitte Bardot. Il
ne la quitte pas un moment,
la poursuit, la piège et, sous
la star dénudée, révèle l'actrice dont l'air explique,
mieux que toute phrase, la
désagrégation du couple,
sous l'implacable lumière
méditerranéenne.
Le troisième thème, c'est
le jardin secret de Godard :
une méditation désenchantée sur les difficultés de la
création cinématographique.
Comment le cinéma, support des rêves, demeure
perpétuellement mal assis
entre l'art et le commerce.
Pour illustrer cette réflexion, Godard a engagé le
vieux Fritz Lang pour incarner son propre personnage. Celui qui fut un très
grand réalisateur, aujourd'hui réduit a accepter des
commandes grotesques,
tourne (dans le film) une
« Odyssée » que Paul (le
mari de Camille) est chargé de replâtrer selon les
goûts du producteur en
contrepartie d'un gros chèque.
Une nudité royale
Vous voyez avec quelle
habileté s'entrecroisent
« L'Odyssée » d'Homère,
celle de l'émouvant Fritz
Lang et celle de Godard qui
cligne de l'œil vers Joyce.
« Le Mépris » n'est pas
une gaudriole, vous en conviendrez, c'est une œuvre
grave dont la nudité royale
de Brigitte Bardot est un
accessoire essentiel comme
l'est le chapeau de l'excellent Michel Piccoli. qui
l'identifie à Godard lui-même.
Jacqueline Michel.