Si les fiches que je réalise pour BDFF pèchent parfois par leur non-exhaustivité côté distribution, c'est que je n’ai pu réunir le nom de tous les acteurs, faute de preuves. En effet, la passion du cinéma qui m’anime ne m’assure pas toujours les moyens d’investigations suffisants, aussi certaines fiches pourront-elles sembler bien incomplètes aux cinéphiles qui les consulteront. Elles ont cependant le mérite de se baser sur des éléments dûment vérifiés.
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Film français de Robert Enrico (1975), avec Philippe Nolret, Romy Schneider, Jean Bouise, Madeleine Ozeray...
BEAU sujet que celui du "Vieux Fusil" superbement raconté par Enrico : la tragédie s'y joue au présent et son horreur croit et se multiplie à chacun des regards en arrière, souvenirs pathétiques sur le bonheur passé. A ce rythme alterné, qu'il soutient tout au long, Enrico nous donne a la fois un drame poignant et une vision intimiste, douloureuse et aigue des joies candides qui faisaient le bonheur d'hier : vacances à Biarritz, première communion, distribution des prix, fête du cochon dans le Périgord, promenade à bicyclette, avec le chien, dans la forêt. C'est sur cette image que s'ouvre le film et qu'il se fige, à la fin, tandis que la partition allègre de François de Roubaix ressuscite la musique heureuse du temps perdu.
Nous sommes à Montauban, en 1944. La division Das Reich s'apprête à rejoindre le front de Normandie. Les SS sont nerveux , les partisans multiplient les actions « terroristes ». La milice sent sa fin prochaine et fait des descentes de plus en plus fréquentes à l'hôpital où Julien Dandieu, chirurgien, opère sans relâche, aussi bien les « saboteurs » que ses autres malades. A cette époque cela ne va pas sans conséquence. Un jour où les menaces du chef milicien lui paraissent sérieuses, il décide d'envoyer sa femme et sa fille attendre la fin du cauchemar, dans un hameau perdu dont il est le châtelain. Ce devrait être l'abri idéal. Le village va subir le sort d'Oradour... Lorsque Julien découvre le massacre les SS bambochent toujours au château. Ivre de douleur, le mouchoir enfoncé dans la bouche pour ne pas hurler à la mort, Julien sort d'une cache le vieux fusil de chasse de son grand-père. Profitant des Issues secrètes et des souterrains du château, d'un miroir sans tain, il va, méthodiquement, exterminer un à un les tueurs de ce qui était sa vie.
Julien Dandieu, c'est Philippe Nolret. Plus vrai, plus naturel, plus humain, on ne saurait imaginer : sous son flegme, sous sa pudeur et sa discrétion perce une silencieuse tendresse qui fait chaud au cœur. La façon dont il joue, quasiment pétrifié, la scène du coup de foudre avec Romy Schneider, est, tout bonnement, admirable. Elle, c'est le frémissement d'une sensibilité à fleur de nerfs, la grâce vulnérable et dans l'œil, parfois, une touche de désastre qui fait frissonner.
Est-ce assez dire que "Le Vieux Fusil" est un film réussi ? Mais surtout dans cette tragédie, dont Enrico ne gomme pas les atrocités, ce qui nous bouleverse le plus, ce n'est pas tant la barbarie et l'horreur que le destin de cet homme bon si doué pour le bonheur. Un homme qui aimait ses semblables, ses amis, sa femme, sa fille, et son chien.