Si les fiches que je réalise pour BDFF pèchent parfois par leur non-exhaustivité côté distribution, c'est que je n’ai pu réunir le nom de tous les acteurs, faute de preuves. En effet, la passion du cinéma qui m’anime ne m’assure pas toujours les moyens d’investigations suffisants, aussi certaines fiches pourront-elles sembler bien incomplètes aux cinéphiles qui les consulteront. Elles ont cependant le mérite de se baser sur des éléments dûment vérifiés.
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AU fond d'une impasse, à Courbevoie, dans le vacarme des démolisseurs qui préparent le terrain pour une ville nouvelle déjà bien amorcée, vit un vieux ménage ancré dans une haine farouche. Julien a 60 ans, Clémence 50, ils se sont follement aimés il y a vingt-cinq ans. Maintenant ils sont dressés l'un contre l'autre dans un combat sans trêve. Que s'est-il passé ? Rien : ils ont vieilli, plutôt mal, ils s'en veulent de n'avoir rien à se dire, d'être devenus ce qu'ils sont : lui, confit dans son égoïsme, ne manifeste de tendresse qu'envers son chat de gouttière, elle, se console au rhum de sa solitude et rêve devant des photos jaunies.
Deux grands acteurs
Elle était acrobate autre fois, lui typographe ; un jour elle est tombée du trapèze, depuis, elle claudique. Il semble qu'aujourd'hui il lui en veuille de cette chute, d'avoir vieilli, de boiter, de boire, de toussailler ; il ne la supporte plus du tout. A force de mendier un regard de tendresse, un mot qui ne vient jamais, Clémence, ivre de jalousie, tue le chat de Julien. Un vrai crime passionnel. Julien ne lui pardonnera pas. Désormais ils vivront sous le même toit, sans rien partager, ni le lit, ni les repas, sans même se dire un mot, n'échangeant que de courts billets plies en quatre qu'une pichenette expédie sur les genoux de l'autre. Unis par un long passé, par ce pavillon, le dernier debout au fond de l'impasse, rivés l'un à l'autre autant par la haine présente que par l'amour ancien, ils ne peuvent ni se supporter, ni se passer l'un de l'autre. C'est si vrai que lorsque Clémence est terrassée par une crise cardiaque, Julien décide de ne pas lui survivre. Le jour ne se lève plus. En adaptant avec beau coup d'intelligence le roman de Simenon, « Le Chat », Pierre Granier-Deferre lui a donné une humanité, une densité d'émotion que le roman n'atteignait pas. Ce n'est pas l'histoire d'une haine vigilante qu'il nous conte mais celle d'un grand amour vieilli, à la dérive et si délabré (comme le quartier symbolique des démolitions) qu'il n'en reste pas l'ombre de tendresse.
Pierre Granier Déferre qui menait jusqu'alors une carrière de cinéaste discrète et sans beaucoup d'éclat vient de marquer un point sérieux avec « Le Chat ». Si la réalisation, en dépit de quelques bonnes trouvailles (comme la benne à ordures qui avance vers le pavillon) n'est pas aussi remarquable que son adaptation, il n'en reste pas moins vrai que c'est à lui que revient l'idée d'avoir réuni pour incarner ce vieux couple pusillanime et désespéré Jean Gabin et Simone Signoret. Dans ce face à face pathétique, à armes égales, deux grands acteurs donnent le meilleur d'eux-mêmes. Il faut les voir.