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Article de presse , 1973 :
APRES la triste parenthèse de « Chère Louise », voilà Philippe de Broca retrouvé avec sa verve, son imagination et cet art de la fugue et du contrepoint qu'il transpose si heureusement au cinéma. Depuis « Les Caprices de Marie », on avait oublié qu'il mariait si aisément la fantaisie et le charme. Pour mettre tous les atouts dans son jeu, il renoue, ici, avec Jean-Paul Belmondo, as complice, virtuose de la décontraction, prince de la désinvolture.
Divertissement vif et drôle
Ensemble, ils ont concocté ce divertissement vif et drôle, truffé d'astuces comme dinde de Noël. Leur seule ambition est de distraire, c'est, en apparence, si modeste et si rare de nos jours au cinéma qu'on apprécie doublement ce bon mouvement. D'ailleurs, tout se dédouble dans « Le Magnifique » et pas seulement la joie du spectateur. Belmondo et tous ses partenaires ont deux têtes, comme les figures des jeux de cartes ; lui, c'est le roi de cœur, évidemment, mais on ne l'imaginerait pas au premier regard. Mal rasé, en peignoir de bains fatigué, les pieds dans des charentaises, rivé à sa machine à écrire, François Marlin, forçat de la littérature policière, souffre sur le manuscrit mensuel qu'il doit livrer à son éditeur. Huit heures par jour, il tire à la ligne les aventures de Bob Saint Clar, superbe fauve de type James Bond qu'il promène depuis quarante-deux livraisons dans des paysages superbes, parmi des filles superbes, à travers d'extravagantes aventures tropicales, chaudes de sexe et de fureur. Bob en sort toujours vainqueur et François harassé. A la longue, le vainqueur commence à porter sur les nerfs de son auteur, même s'il lui ressemble comme un jumeau. Passe encore que sa femme de ménage se pâme devant lui mais la jolie étudiante en sociologie, sa voisine du sixième, c'est trop. François, jaloux, décide de régler son compte à Bob et, sur sa lancée, il décide de se venger aussi de son éditeur qui lui refuse des avances, du plombier et de l'électricien qui le laissent en panne de baignoire et de l'étudiante. Il les entraîne tous dans une aventure grotesque, les roule dans la boue, les plonge dans des rivières de sang.
Machine à écrire et mitraillette
Son arme, c'est la machine à écrire. Il tape dessus comme le gosse frappe la table à laquelle il s'est cogné et les signes s'alignent et les feuilles tombent tandis que, dans sa tête, le cliquetis de la machine se confond avec la rafale de mitraillette. Quand une touche récalcitrante refuse de frapper, la mitraillette s'enraye. Le film fourmille de détails de ce genre, la réalité et la fiction s'y croisent toujours sous le signe d'une nouvelle trouvaille.
Un film satirique
Philippe de Broca s'offre le plaisir d'une plaisante satire des films de violence et de sexe ; la partition de Claude Bolling commente discrètement l'action, ce qui est mieux que de la souligner. Jacqueline Bisset multiplie son charme par deux sans le dédoubler et Belmondo enlève allegro vivace cette pièce brillante. Si les cinéphiles pensent, en voyant « Le Magnifique », à « La Vie secrète de Walter Mitty », tant mieux : Broca renouvelle astucieusement ce bon sujet.