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Distribution :
Si les fiches que je réalise pour BDFF pèchent parfois par leur non-exhaustivité côté distribution, c'est que je n’ai pu réunir le nom de tous les acteurs, faute de preuves. En effet, la passion du cinéma qui m’anime ne m’assure pas toujours les moyens d’investigations suffisants, aussi certaines fiches pourront-elles sembler bien incomplètes aux cinéphiles qui les consulteront. Elles ont cependant le mérite de se baser sur des éléments dûment vérifiés.
Si les fiches que je réalise pour BDFF pèchent parfois par leur non-exhaustivité côté distribution, c'est que je n’ai pu réunir le nom de tous les acteurs, faute de preuves. En effet, la passion du cinéma qui m’anime ne m’assure pas toujours les moyens d’investigations suffisants, aussi certaines fiches pourront-elles sembler bien incomplètes aux cinéphiles qui les consulteront. Elles ont cependant le mérite de se baser sur des éléments dûment vérifiés.
Images du film :
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Document sans nom
Macha Méril Charlotte Bernard Noël Robert Philippe Leroy Pierre Roger Leenhardt Lui-même Rita Maiden Madame Céline Christophe Bourseiller Nicolas Margaret Le Van Fille à la piscine #1 Véronique Duval Fille à la piscine #2
Document sans nom
SCENARIO: Jean-Luc Godard
GENRE: Comédie dramatique / Drame sentimental
RESUME : Charlotte côté pile. Charlotte côté face. Mariée à un aviateur. Maîtresse d’un comédien. Charlotte voyage d’un côté, puis de l’autre, traverse la ville d’une vie à l’autre. Elle aime le présent, vivre aujourd’hui, apprécier l’instant. Charlotte aime les choses qui s’abîment. Alors elle aime l’amour. Charlotte est enceinte. Etre enceinte, c’est un présent du passé. Elle ne sait qui est le père. Celui en l’air, son mari, ou bien celui ailleurs, son amant ? Polichinelle frappe à la porte de son petit secret. Il est temps de choisir un futur pour le présent. Charlotte a peur. Le plaisir et l’amour, est-ce que c’est la même chose ?
POINT DE VUE: "Puzzle"
Pour le meilleur du cinéma de Jean-Luc Godard, montrer c’est dire. Quand il suit un personnage, comme ici, il le raconte à travers ses actions les plus simples. Pourtant son cinéma n’est pas descriptif et encore moins « naturaliste ». En 1965, le cinéaste déclarait que ses films se nourrissent des choses du moment, d’un livre qu’il a aimé, d’un tableau, d’un article lu dans un magazine. Cette écriture sous forme de patchwork, de mosaïque libre mais finalement très organisée n’est pas seulement devenue une manière cinématographique tant de fois imitée mais surtout, au sein de la « nouvelle vague », l’exemple le plus radical et le plus riche d’un cinéma qui cherche autre chose et autrement. « Une femme mariée » ne raconte pas l’histoire d’une femme mariée qui a un amant. Le film montre une femme. Cette femme est mariée. Cette femme a un amant. Cette nuance définit l’approche de l’auteur qui n’associe pas mais au contraire sépare tout en prenant ses distances avec la dramatisation. Après tout, le cinéaste n’illustre pas ici « Madame Bovary » mais une femme de 1964 qui souhaite « vivre sa vie ». D’ailleurs Godard ne sait pas raconter une histoire ; il l’a souvent dit au long de sa carrière. Tout doit partir de l’image. C’est la conception du cinéma selon Godard, assez proche en cela de celle de Bresson qui refusait le théâtre filmé. Le sujet qui se résume en une ligne n’a donc pas pour choix de décrire un drame de l’amour et de l’adultère et encore moins d’adopter un positionnement moral. Pour autant, est-ce que le film est neutre, dénué de jugement ? Non, bien sûr. Chez Godard, le point de vue n’est jamais innocent même lorsqu’il montre ou feint de montrer innocemment une situation grave ou légère souvent sur le même ton. En présentant de manière dédramatisée, une femme mariée et ses deux hommes, l’auteur sait que l’opinion d’alors va tousser. Comme Angela, Nana ou Camille, les femmes de ses précédents films, Charlotte est une eau vive, un être versatile qui assume sa nature et ses humeurs. En jouant avec les mots, on dira que Charlotte n’est pas une femme sans états d’âme mais qu’elle a l’âme de ses états. La femme selon Godard fait parfois penser à la méchante définition de Baudelaire « La femme est naturelle, c'est-à-dire abominable. ». Dans « Une femme est une femme », film réalisé par Godard trois ans plus tôt, l’héroïne, Angela, elle aussi au centre d’un trio, s’affirme si librement qu’elle fait dire au personnage incarné par Jean-Claude Brialy : « Tu es infâme ! » Ce à quoi Angela, malicieuse, répond en regardant la caméra : « Non. Je ne suis pas infâme ; je suis une femme. » De quoi donner matière à ceux qui étiquettent Godard tantôt comme féministe, tantôt comme misogyne borné. Témoin, Godard filme une femme de son temps, une femme en mutation et déjà dégagée de l’ancienne nomenclature. Une Charlotte qui n’arrête pas d’aller et venir du mari à l’amant, avec une décontraction, un détachement apparent qui surprend encore aujourd’hui. Cette Charlotte qui court, quitte un appartement, attrape un taxi ou s’écroule sur la chaussée en plan large se voit fragmentée et capturée en gros plans. Toutes les séquences d’amour ou d’intimité sont « encadrées », disposées, procédant d’une mise en images précise et antinaturaliste. Godard peint alors Méril, crée l’indépendance au sein de la beauté du corps. Décomposer pour mieux redire que le plaisir d’amour n’est jamais entier, qu’il procède de l’addition des choses, à l’instar de la vie dont il est la plus belle célébration. Ce faisant, Godard filme la balance entre indépendance et apprivoisement, liberté et soumission. C’est dans cette fragmentation de l’image de son actrice que Godard va réussir a en montrer plus que ce qui est dit. Ce qui est dit par les protagonistes n’est d’ailleurs pas l’essentiel. Le cinéaste est encore à quelques années de l’orientation qui va momentanément le réduire. Quand il décidera de dire ou faire dire plus qu’il ne montrera. La légèreté, l’humour et la dérision profitent à Godard ; le militantisme nettement moins. Pour autant, les conversations sur
l’oreiller entre Charlotte et Robert ou le diner avec Roger Leenhardt ne sont pas anecdotiques. Mais depuis « A Bout de Souffle », on sait que la communication entre les personnages de ses films peine à s’établir. Godard n’a cessé de filmer des itinéraires, des rencontres vues comme des escales, des relations qui ne se complètent jamais vraiment. Comme cette très belle correspondance visuelle des mains de Robert et Charlotte qui s’éloignent l’une de l’autre en glissant sur le drap et qui rappellent deux avions qui se croisent dans le ciel. D’où cette impression tenace dans les films de Godard que les protagonistes parlent toujours pour eux-mêmes. Ils disent, ils lisent, récitent, répètent mais sans pour autant échanger. Dire c’est remarquer mais pas nécessairement comprendre. Dans « Une femme mariée », l’héroïne doit compter avec les nouveaux diktats, ceux omniprésents de la publicité. L’auteur use (et abuse) de ces nouveaux signes étouffants du totalitarisme rusé d’une consommation triomphante. Cette société du plaisir qui se construit et va se développer principalement à des fins de rentabilité pour mieux gommer l’individu. Pour Godard, les signes sont partout. Rien n’est jamais anodin et toujours à double sens. Ce qui est vu ou entendu laisse une trace qui construit, oriente, indépendamment de toute volonté. La mémoire est chargée de toxines. Dans ce tir incessant de slogans et images publicitaires, la consommation nous oblige a tenir un rôle, à devenir un autre. Robert, l’amant de Charlotte, est comédien. Vers la toute fin du film, il y a une magnifique séquence dans laquelle Bernard Noël qui interprète le personnage, passe du jeu à la réalité, de son rôle à lui-même, en confiant à Charlotte ce qu’il aime dans le fait de jouer, de jouer un autre que lui-même. Sans altération, Noël quitte l’emploi de Robert pour redevenir Bernard en parlant de son métier. Tenir son rôle. Prendre parti. De cet échange entre la femme et son amant, d’une répétition du « Bérénice » de Racine dans une chambre d’hôtel de l’aéroport, Charlotte enceinte va opter pour une direction, non sans regret, mais parce que tout dans la vie est appelé à tenir un rôle. Chez Godard, les histoires d’amour finissent mal. En général.
UNE FEMME MARIEE A LA CENSURE:
Après sa projection en septembre 1964 à la Mostra de Venise, où le film impressionne vivement Michelangelo Antonioni, « La femme mariée » est interdit de projection en France. Alain Peyrefitte, alors ministre de l’information, s’entretient avec Jean-Luc Godard et lui propose un deal de vrai marchand de tapis : une autorisation de diffusion moyennant quelques aménagements. Tout d’abord changer le titre - « La femme mariée » pouvant laisser supposer que toute femme mariée du beau et intègre pays de France a un amant. Ensuite couper quelques plans de nichons et puis changer certains passages du dialogue, jugés trop crûs, trop licencieux. Enfin, virer l’allusion à Auschwitz et l’histoire drôle à propos de deux juifs racontée par Leenhardt. Godard va couper deux nichons, changer le titre pour « Une femme mariée », sucrer un passage de dialogue où il est question de la sodomie comme méthode de contraception mais il refusera de retirer la séquence où il est fait référence à Hitler ainsi que l’histoire racontée par Leenhardt. Le film sortira le 4 décembre 1964 avec une interdiction aux moins de 18 ans dans 3 salles et va attirer 80.000 spectateurs dont un paquet de curieux désireux de voir « l’objet du délit ». Entre temps, la presse, Rivette, Aragon et les autres vont s’emparer de l’histoire pour faire de cette « femme mariée » une arme de destruction intimiste de la censure et ériger, malgré lui, Jean-Luc Godard en héraut de l’antigaullisme.
GODARD ET SA FEMME MARIEE:
"Malheur à moi donc, puisque je viens de tourner "La Femme Mariée", un film où les sujets sont considérés comme des objets, où les poursuites en taxi alternent avec les interviews ethnologiques, où le spectacle de la vie se confond finalement avec son analyse; bref, un film où le cinéma s'ébat libre et heureux de n'être que ce qu'il est" - Jean-Luc Godard - Cahiers du Cinéma 159 - Octobre 1964.
"Je suis incapable de montrer un milieu si je ne le connais pas. Et si j'ai commencé par tourner des histoires bourgeoises, c'est parce que je viens de la bourgeoisie (...) Pour "La Femme Mariée", j'aurais bien aimé un couple avec une situation sociale moins élevée, plus difficile. Le mari aurait été P3 par exemple. Mais je risquais ce que je reproche au "Bonheur", d'être une idée artificielle, plaquée. J'avais peur de me tromper. Sur Macha Méril, pas du tout. On me rétorque : il n'existe qu'un personnage comme ça dans le monde. Je suis bien d'accord, encore que je pourrais en trouver dix à "Madame Express" ou à "Elle". Un type qui ne connait que les fourmis ne peut pas faire un truc sur les coléoptères." – Jean-Luc Godard - Cahiers du Cinéma 171 - Octobre 1965.
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Femme epouse et maitresse femme
Macha Méril Charlotte Bernard Noël Robert Philippe Leroy Pierre Roger Leenhardt Lui-même Rita Maiden Madame Céline Christophe Bourseiller Nicolas Margaret Le Van Fille à la piscine #1 Véronique Duval Fille à la piscine #2
SCENARIO: Jean-Luc Godard
GENRE: Comédie dramatique / Drame sentimental
RESUME : Charlotte côté pile. Charlotte côté face. Mariée à un aviateur. Maîtresse d’un comédien. Charlotte voyage d’un côté, puis de l’autre, traverse la ville d’une vie à l’autre. Elle aime le présent, vivre aujourd’hui, apprécier l’instant. Charlotte aime les choses qui s’abîment. Alors elle aime l’amour. Charlotte est enceinte. Etre enceinte, c’est un présent du passé. Elle ne sait qui est le père. Celui en l’air, son mari, ou bien celui ailleurs, son amant ? Polichinelle frappe à la porte de son petit secret. Il est temps de choisir un futur pour le présent. Charlotte a peur. Le plaisir et l’amour, est-ce que c’est la même chose ?
POINT DE VUE: "Puzzle"
Pour le meilleur du cinéma de Jean-Luc Godard, montrer c’est dire. Quand il suit un personnage, comme ici, il le raconte à travers ses actions les plus simples. Pourtant son cinéma n’est pas descriptif et encore moins « naturaliste ». En 1965, le cinéaste déclarait que ses films se nourrissent des choses du moment, d’un livre qu’il a aimé, d’un tableau, d’un article lu dans un magazine. Cette écriture sous forme de patchwork, de mosaïque libre mais finalement très organisée n’est pas seulement devenue une manière cinématographique tant de fois imitée mais surtout, au sein de la « nouvelle vague », l’exemple le plus radical et le plus riche d’un cinéma qui cherche autre chose et autrement. « Une femme mariée » ne raconte pas l’histoire d’une femme mariée qui a un amant. Le film montre une femme. Cette femme est mariée. Cette femme a un amant. Cette nuance définit l’approche de l’auteur qui n’associe pas mais au contraire sépare tout en prenant ses distances avec la dramatisation. Après tout, le cinéaste n’illustre pas ici « Madame Bovary » mais une femme de 1964 qui souhaite « vivre sa vie ». D’ailleurs Godard ne sait pas raconter une histoire ; il l’a souvent dit au long de sa carrière. Tout doit partir de l’image. C’est la conception du cinéma selon Godard, assez proche en cela de celle de Bresson qui refusait le théâtre filmé. Le sujet qui se résume en une ligne n’a donc pas pour choix de décrire un drame de l’amour et de l’adultère et encore moins d’adopter un positionnement moral. Pour autant, est-ce que le film est neutre, dénué de jugement ? Non, bien sûr. Chez Godard, le point de vue n’est jamais innocent même lorsqu’il montre ou feint de montrer innocemment une situation grave ou légère souvent sur le même ton. En présentant de manière dédramatisée, une femme mariée et ses deux hommes, l’auteur sait que l’opinion d’alors va tousser. Comme Angela, Nana ou Camille, les femmes de ses précédents films, Charlotte est une eau vive, un être versatile qui assume sa nature et ses humeurs. En jouant avec les mots, on dira que Charlotte n’est pas une femme sans états d’âme mais qu’elle a l’âme de ses états. La femme selon Godard fait parfois penser à la méchante définition de Baudelaire « La femme est naturelle, c'est-à-dire abominable. ». Dans « Une femme est une femme », film réalisé par Godard trois ans plus tôt, l’héroïne, Angela, elle aussi au centre d’un trio, s’affirme si librement qu’elle fait dire au personnage incarné par Jean-Claude Brialy : « Tu es infâme ! » Ce à quoi Angela, malicieuse, répond en regardant la caméra : « Non. Je ne suis pas infâme ; je suis une femme. » De quoi donner matière à ceux qui étiquettent Godard tantôt comme féministe, tantôt comme misogyne borné. Témoin, Godard filme une femme de son temps, une femme en mutation et déjà dégagée de l’ancienne nomenclature. Une Charlotte qui n’arrête pas d’aller et venir du mari à l’amant, avec une décontraction, un détachement apparent qui surprend encore aujourd’hui. Cette Charlotte qui court, quitte un appartement, attrape un taxi ou s’écroule sur la chaussée en plan large se voit fragmentée et capturée en gros plans. Toutes les séquences d’amour ou d’intimité sont « encadrées », disposées, procédant d’une mise en images précise et antinaturaliste. Godard peint alors Méril, crée l’indépendance au sein de la beauté du corps. Décomposer pour mieux redire que le plaisir d’amour n’est jamais entier, qu’il procède de l’addition des choses, à l’instar de la vie dont il est la plus belle célébration. Ce faisant, Godard filme la balance entre indépendance et apprivoisement, liberté et soumission. C’est dans cette fragmentation de l’image de son actrice que Godard va réussir a en montrer plus que ce qui est dit. Ce qui est dit par les protagonistes n’est d’ailleurs pas l’essentiel. Le cinéaste est encore à quelques années de l’orientation qui va momentanément le réduire. Quand il décidera de dire ou faire dire plus qu’il ne montrera. La légèreté, l’humour et la dérision profitent à Godard ; le militantisme nettement moins. Pour autant, les conversations sur
l’oreiller entre Charlotte et Robert ou le diner avec Roger Leenhardt ne sont pas anecdotiques. Mais depuis « A Bout de Souffle », on sait que la communication entre les personnages de ses films peine à s’établir. Godard n’a cessé de filmer des itinéraires, des rencontres vues comme des escales, des relations qui ne se complètent jamais vraiment. Comme cette très belle correspondance visuelle des mains de Robert et Charlotte qui s’éloignent l’une de l’autre en glissant sur le drap et qui rappellent deux avions qui se croisent dans le ciel. D’où cette impression tenace dans les films de Godard que les protagonistes parlent toujours pour eux-mêmes. Ils disent, ils lisent, récitent, répètent mais sans pour autant échanger. Dire c’est remarquer mais pas nécessairement comprendre. Dans « Une femme mariée », l’héroïne doit compter avec les nouveaux diktats, ceux omniprésents de la publicité. L’auteur use (et abuse) de ces nouveaux signes étouffants du totalitarisme rusé d’une consommation triomphante. Cette société du plaisir qui se construit et va se développer principalement à des fins de rentabilité pour mieux gommer l’individu. Pour Godard, les signes sont partout. Rien n’est jamais anodin et toujours à double sens. Ce qui est vu ou entendu laisse une trace qui construit, oriente, indépendamment de toute volonté. La mémoire est chargée de toxines. Dans ce tir incessant de slogans et images publicitaires, la consommation nous oblige a tenir un rôle, à devenir un autre. Robert, l’amant de Charlotte, est comédien. Vers la toute fin du film, il y a une magnifique séquence dans laquelle Bernard Noël qui interprète le personnage, passe du jeu à la réalité, de son rôle à lui-même, en confiant à Charlotte ce qu’il aime dans le fait de jouer, de jouer un autre que lui-même. Sans altération, Noël quitte l’emploi de Robert pour redevenir Bernard en parlant de son métier. Tenir son rôle. Prendre parti. De cet échange entre la femme et son amant, d’une répétition du « Bérénice » de Racine dans une chambre d’hôtel de l’aéroport, Charlotte enceinte va opter pour une direction, non sans regret, mais parce que tout dans la vie est appelé à tenir un rôle. Chez Godard, les histoires d’amour finissent mal. En général.
UNE FEMME MARIEE A LA CENSURE:
Après sa projection en septembre 1964 à la Mostra de Venise, où le film impressionne vivement Michelangelo Antonioni, « La femme mariée » est interdit de projection en France. Alain Peyrefitte, alors ministre de l’information, s’entretient avec Jean-Luc Godard et lui propose un deal de vrai marchand de tapis : une autorisation de diffusion moyennant quelques aménagements. Tout d’abord changer le titre - « La femme mariée » pouvant laisser supposer que toute femme mariée du beau et intègre pays de France a un amant. Ensuite couper quelques plans de nichons et puis changer certains passages du dialogue, jugés trop crûs, trop licencieux. Enfin, virer l’allusion à Auschwitz et l’histoire drôle à propos de deux juifs racontée par Leenhardt. Godard va couper deux nichons, changer le titre pour « Une femme mariée », sucrer un passage de dialogue où il est question de la sodomie comme méthode de contraception mais il refusera de retirer la séquence où il est fait référence à Hitler ainsi que l’histoire racontée par Leenhardt. Le film sortira le 4 décembre 1964 avec une interdiction aux moins de 18 ans dans 3 salles et va attirer 80.000 spectateurs dont un paquet de curieux désireux de voir « l’objet du délit ». Entre temps, la presse, Rivette, Aragon et les autres vont s’emparer de l’histoire pour faire de cette « femme mariée » une arme de destruction intimiste de la censure et ériger, malgré lui, Jean-Luc Godard en héraut de l’antigaullisme.
GODARD ET SA FEMME MARIEE:
"Malheur à moi donc, puisque je viens de tourner "La Femme Mariée", un film où les sujets sont considérés comme des objets, où les poursuites en taxi alternent avec les interviews ethnologiques, où le spectacle de la vie se confond finalement avec son analyse; bref, un film où le cinéma s'ébat libre et heureux de n'être que ce qu'il est" - Jean-Luc Godard - Cahiers du Cinéma 159 - Octobre 1964.
"Je suis incapable de montrer un milieu si je ne le connais pas. Et si j'ai commencé par tourner des histoires bourgeoises, c'est parce que je viens de la bourgeoisie (...) Pour "La Femme Mariée", j'aurais bien aimé un couple avec une situation sociale moins élevée, plus difficile. Le mari aurait été P3 par exemple. Mais je risquais ce que je reproche au "Bonheur", d'être une idée artificielle, plaquée. J'avais peur de me tromper. Sur Macha Méril, pas du tout. On me rétorque : il n'existe qu'un personnage comme ça dans le monde. Je suis bien d'accord, encore que je pourrais en trouver dix à "Madame Express" ou à "Elle". Un type qui ne connait que les fourmis ne peut pas faire un truc sur les coléoptères." – Jean-Luc Godard - Cahiers du Cinéma 171 - Octobre 1965.
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