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1971 : Cet homme athlétique a une bonne centaine de cadavres sur la conscience. Pourtant, Georges Lautner, le réalisateur des « Barbouzes », est la douceur même. « Je ne tue jamais que les méchants ! » précise-t-il en guise d'excuse. Sur l' écran de l'immense auditorium des studios de Billancourt, l'image de Mireille Darc vient de s'effacer. Georges Lautner, à raison de seize heures de travail par jour, termine le mixage de son dernier film : « Laisse aller... c'est une valse ! ». C'est son huitième film avec Mireille Darc. Il doit sortir le 7 avril sur les écrans parisiens, soit trois jours après le passage des « Barbouzes » à la TV.
Travailler en s'amusant
Cette nouvelle facétie policière, style « Les Tontons
flingueurs » ou l'inoubliable
série des « Monocle », sera
un peu un film de retrouvailles. Mireille Darc sera
de nouveau mariée à Jean
Yanne. qu'elle venait à peine de quitter avec "Fantasia chez les ploucs " elle
affrontera aussi Bernard
Blier qui, dans « Les Barbouzes», campe, à ses côtés, un redoutable espion du
Vatican. Ce seront aussi les
retrouvailles du metteur en
scène et de sa vedette préférée.
« Je suis enchanté d'avoir
tourné ce huitième film
avec Mireille, dit Lautner.
Je n'avais rien fait avec
elle depuis trois ans. exactement depuis Fleur
d'oseille ». Elle a encore progressé depuis. Après le
succès de « Galia », elle aurait pu rester prisonnière
de son personnage, très inspiré d'elle-même d'ailleurs.
Elle a très bien compris le
danger et elle s'est libérée
de tous les tics de Galia.
Elle est prête, maintenant,
pour des rôles très différents. »
Mais l'admiration de
Lautner pour Mireille Darc
tient aussi à d'autres raisons :
« Avec elle, on n'a jamais l'impression de travailler. Mireille transforme
tout de suite le tournage
d'un film en une gigantesque partie de rigolade. Pour
réussir un film comique.
c'est un atout formidable.
On ne peut pas faire éclater les gags en travaillant
avec des têtes de croquemorts. Il faut savoir improviser, s'échapper un peu du
scénario, qui n'est jamais
qu'un canevas. Mireille est
capable de jouer la même
scène, six fois de suite de
six façons différentes !»
L'improvisation ( contrôlée, tout de même) tient
donc une grande place dans
les films de Lautner :« Je l'utilise d'autant plus
facilement que je travaille
toujours avec la même
équipe. Mes dix-huit films
ont le même monteur, la
même script, le même assistant, etc. Cette homogénéité
permet un travail d'équipe
extrêmement créateur. Par
exemple, « Les Barbouzes »
sont nées d'une plaisanterie
de l'un d'entre nous, je ne
sais plus lequel. Il a lancé
un jour à table : « Tiens,
si on faisait un film avec un
espion chinois qui aurait
l'accent belge ?» A partir
de cette boutade, on a commencé d'inventer tout un
monde farfelu d'espions
tous azimuts, dont le dernier à naître fut Bernard
Blier, agent secret du Vatican. L'espion chinois n'a,
d'ailleurs, jamais pu obtenir plus d'une réplique et
encore je ne sais pas si on
ne la lui a pas coupée ! »
Georges Lautner pourra s'en assurer en revoyant
son film sur l'écran de la
TV.
« Je vais surtout le regarder pour savoir si je le
trouve encore bon. J'ai
longtemps eu un faible pour
mes « Barbouzes » : on
s'est tellement amusés à
tourner ce film. Dans aucun autre, on n'a poussé le
burlesque aussi loin, avec
chasse d'eau explosive,
douche à l'acide sulfurique,
baldaquin lanceur de poignards... enfin toute une
panoplie de gadgets parodiant ceux beaucoup plus
sérieux de « James Bond » !
Foire rire avec les méchants
Car Georges Lautner se
refuse à prendre 1es
truands au sérieux :
« Les films sérieux sur
le « milieu » m'ennuient
profondément. Je trouve
beaucoup plus moral que les
méchants fassent rire plutôt que peur. »
Après avoir fait rire aux
dépens des méchants, Georges Lautner voudrait maintenant s'amuser avec la politique.
« Mais, reconnaît-il, c'est
beaucoup plus délicat et
dangereux. Les politiciens
sont sûrement plus susceptibles que les mauvais garçons ! »
Mireille Darc : "Je ne veux pas avoir un réveil à la place du coeur"
Il y a douze ans, elle se croyait laide, n'avait aucun succès auprès des garçons, mais voulait devenir comédienne. Tout en étant bonne d'enfants pour gagner sa vie, elle se disait que si, un jour, elle réussissait à tourner deux films par an, ce serait une très grande réussite. Aujourd'hui, Mireille Darc pourrait en tourner quatre à la fois. Ces derniers mois, elle a enchaîné sans désemparer de « Fantasia chez les Ploucs » à « Madly » et de « Madly » à « Laisse aller, c'est une valse ». Et elle n'est plus du tout convaincue d'être laide. Alain Delon le lui répète depuis plus de deux ans. Mais ce merveilleux conte de fées ne lui a nullement tourné la tête. « L'essentiel pour moi, dit-elle, c'est de ne pas rater ma vie. » Sa vie, c'est l'homme qu'elle aime, les copains (très peu de comédiens : « ils ne parlent que de leur métier ») ; c'est s'amuser à écrire des nouvelles, des scénarios («Madly»). à faire des photos, à chanter. « C'est vivre à ma guise, précise-t-elle, au jour le jour, et ne pas devenir une mécanique à contrats. Rien n'est plus affreux que d'avoir un réveil à la place du coeur. Il vaut mieux tout arrêter. »