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Distribution :
Si les fiches que je réalise pour BDFF pèchent parfois par leur non-exhaustivité côté distribution, c'est que je n’ai pu réunir le nom de tous les acteurs, faute de preuves. En effet, la passion du cinéma qui m’anime ne m’assure pas toujours les moyens d’investigations suffisants, aussi certaines fiches pourront-elles sembler bien incomplètes aux cinéphiles qui les consulteront. Elles ont cependant le mérite de se baser sur des éléments dûment vérifiés.
Si les fiches que je réalise pour BDFF pèchent parfois par leur non-exhaustivité côté distribution, c'est que je n’ai pu réunir le nom de tous les acteurs, faute de preuves. En effet, la passion du cinéma qui m’anime ne m’assure pas toujours les moyens d’investigations suffisants, aussi certaines fiches pourront-elles sembler bien incomplètes aux cinéphiles qui les consulteront. Elles ont cependant le mérite de se baser sur des éléments dûment vérifiés.
Images du film :
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Document sans nom
Document sans nom
« Durant les premiers mois de ma vie avec Michel Boisrond, je tourne l’un des films dont je suis le plus fière, et qui demeure, aujourd’hui encore, l’un de mes plus beaux souvenirs de comédienne : Femme entre chien et loup, d’André Delvaux.
Le film relate le drame de la Belgique durant la guerre, partagée entre Collaboration et Résistance. J’incarne ce drame, puisque je suis l’épouse d’un homme qui a choisi de revêtir l’uniforme de la Wehrmacht pour aller se battre sur le front de l’Est, et que durant son absence je deviens l’amante d’un résistant qui a trouvé refuge dans ma cave. Après la Libération, cependant, je choisis de soutenir mon mari qui rentre de captivité. Mais le cauchemar de la guerre n’en finit pas de nous ronger - comme il a rongé la Belgique -puisque cet homme, obsédé par la nécessité de se justifier, perd peu à peu la tête et sombre dans un profond malheur. Dans le même temps, mon ex-amant, sensible aux honneurs, entre en politique où il perd petit à petit son âme, jusqu’à devenir méprisable à mes yeux.
L’intrigue, magnifiquement scénarisée, s’étire donc sur une quinzaine d’années durant lesquelles je porte le destin de cette femme qui a peut-être vingt ans aux premiers jours de l’invasion allemande, et trente-cinq quand s’achève l’histoire sur une scène de désolation qui laisse deviner qu’il faudra au peuple belge plusieurs générations pour se remettre d’un tel traumatisme.
C’est la première fois que je porte un film de bout en bout, présente dans toutes les scènes, et la première fois également que mon personnage vieillit à l’écran, aussi bien mentalement que physiquement. Je suis fraîche et légère au début, profondément mûrie à la fin. En une heure et demie, c’est tout le chagrin d’un pays qui me traverse et que je dois incarner. Et je trouve en André Delvaux l’homme le mieux à même de relever ce défi. D’une immense sensibilité, Delvaux est d’une exigence quasi mystique quand il s’agit de cinéma. Il est de ces réalisateurs qui se donnent corps et âme à leur œuvre, avec, en ce qui le concerne, une écoute et une modestie qui me touchent infiniment.
J’avais perdu l’habitude de visionner les rushes chaque soir, mais avec lui je ne rate pas une séance. Nous passons ainsi chaque jour de longs moments à méditer sur les trois personnages essentiels du film, mon mari, joué par Rutger Hauer, mon amant, incarné par Roger Van Hool, et moi. Il n’y a rien de sensuel entre Delvaux et moi - ma relation toute neuve avec Michel Boisrond me détournant sans doute de la tentation - mais nous sommes en étroite communion, partageant la même émotion. Je ne lui donne pas mon corps, mais je lui fais don de mon âme, de toute mon âme, avec cette dévotion que j’éprouve invariablement pour les metteurs en scène, et qui est ici démultipliée parce que l’homme et son film méritent le meilleur. Je me souviens de ma stupéfaction, un soir, tandis que nous bavardons en tête à tête après avoir vu les rushes, en entendant Delvaux me demander, pris d’une soudaine rougeur :
- Marie Christine, je voudrais te voir nue.
- Pardon?
Je ne peux pas croire qu’il me propose d’avoir une histoire avec lui, nous tournons depuis plusieurs semaines, déjà, et nous ne sommes pas du tout sur ce registre.
- Je voudrais te voir nue.
- Mais André, c’est impossible !
Alors lui, confus, comprenant brusquement le malentendu, se met à m’expliquer qu’il a besoin de photographier des yeux mon corps pour parvenir à construire la scène qu’il a en tête.
Une très belle scène où Roger Van Hool et moi figurons nus, tête-bêche sur le lit, nos corps enchevêtrés après l’amour, tandis qu’on entend l’écho lointain d’un bombardement, dehors, et que des débris de plâtre tombent du plafond. Delvaux avait dû passer de longues heures à l’imaginer, car c’est une oeuvre en elle-même, et la tourner comme il l’a voulue, avec la lumière désirée, nous a pris toute la journée.
Dans une tension et un silence religieux, comme seul cet homme parvient à l’obtenir sur un plateau. À tel point qu’à un moment je me rappelle avoir craqué et m’être écriée :
- Mais quel est le métier où on est payé pour passer une journée entière le nez dans le derrière d’un monsieur ! »
Marie-Christine Barrault « Ce long chemin pour arriver jusqu’à toi »
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Marie Christine Barrault et Rutger Hauer
« Durant les premiers mois de ma vie avec Michel Boisrond, je tourne l’un des films dont je suis le plus fière, et qui demeure, aujourd’hui encore, l’un de mes plus beaux souvenirs de comédienne : Femme entre chien et loup, d’André Delvaux.
Le film relate le drame de la Belgique durant la guerre, partagée entre Collaboration et Résistance. J’incarne ce drame, puisque je suis l’épouse d’un homme qui a choisi de revêtir l’uniforme de la Wehrmacht pour aller se battre sur le front de l’Est, et que durant son absence je deviens l’amante d’un résistant qui a trouvé refuge dans ma cave. Après la Libération, cependant, je choisis de soutenir mon mari qui rentre de captivité. Mais le cauchemar de la guerre n’en finit pas de nous ronger - comme il a rongé la Belgique -puisque cet homme, obsédé par la nécessité de se justifier, perd peu à peu la tête et sombre dans un profond malheur. Dans le même temps, mon ex-amant, sensible aux honneurs, entre en politique où il perd petit à petit son âme, jusqu’à devenir méprisable à mes yeux.
L’intrigue, magnifiquement scénarisée, s’étire donc sur une quinzaine d’années durant lesquelles je porte le destin de cette femme qui a peut-être vingt ans aux premiers jours de l’invasion allemande, et trente-cinq quand s’achève l’histoire sur une scène de désolation qui laisse deviner qu’il faudra au peuple belge plusieurs générations pour se remettre d’un tel traumatisme.
C’est la première fois que je porte un film de bout en bout, présente dans toutes les scènes, et la première fois également que mon personnage vieillit à l’écran, aussi bien mentalement que physiquement. Je suis fraîche et légère au début, profondément mûrie à la fin. En une heure et demie, c’est tout le chagrin d’un pays qui me traverse et que je dois incarner. Et je trouve en André Delvaux l’homme le mieux à même de relever ce défi. D’une immense sensibilité, Delvaux est d’une exigence quasi mystique quand il s’agit de cinéma. Il est de ces réalisateurs qui se donnent corps et âme à leur œuvre, avec, en ce qui le concerne, une écoute et une modestie qui me touchent infiniment.
J’avais perdu l’habitude de visionner les rushes chaque soir, mais avec lui je ne rate pas une séance. Nous passons ainsi chaque jour de longs moments à méditer sur les trois personnages essentiels du film, mon mari, joué par Rutger Hauer, mon amant, incarné par Roger Van Hool, et moi. Il n’y a rien de sensuel entre Delvaux et moi - ma relation toute neuve avec Michel Boisrond me détournant sans doute de la tentation - mais nous sommes en étroite communion, partageant la même émotion. Je ne lui donne pas mon corps, mais je lui fais don de mon âme, de toute mon âme, avec cette dévotion que j’éprouve invariablement pour les metteurs en scène, et qui est ici démultipliée parce que l’homme et son film méritent le meilleur. Je me souviens de ma stupéfaction, un soir, tandis que nous bavardons en tête à tête après avoir vu les rushes, en entendant Delvaux me demander, pris d’une soudaine rougeur :
- Marie Christine, je voudrais te voir nue.
- Pardon?
Je ne peux pas croire qu’il me propose d’avoir une histoire avec lui, nous tournons depuis plusieurs semaines, déjà, et nous ne sommes pas du tout sur ce registre.
- Je voudrais te voir nue.
- Mais André, c’est impossible !
Alors lui, confus, comprenant brusquement le malentendu, se met à m’expliquer qu’il a besoin de photographier des yeux mon corps pour parvenir à construire la scène qu’il a en tête.
Une très belle scène où Roger Van Hool et moi figurons nus, tête-bêche sur le lit, nos corps enchevêtrés après l’amour, tandis qu’on entend l’écho lointain d’un bombardement, dehors, et que des débris de plâtre tombent du plafond. Delvaux avait dû passer de longues heures à l’imaginer, car c’est une oeuvre en elle-même, et la tourner comme il l’a voulue, avec la lumière désirée, nous a pris toute la journée.
Dans une tension et un silence religieux, comme seul cet homme parvient à l’obtenir sur un plateau. À tel point qu’à un moment je me rappelle avoir craqué et m’être écriée :
- Mais quel est le métier où on est payé pour passer une journée entière le nez dans le derrière d’un monsieur ! »
Marie-Christine Barrault « Ce long chemin pour arriver jusqu’à toi »
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