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FILM de gangster ou film policier ? Un policier et un gangster jouent à cache-cache dans « Flic Story », ce qui rend l'ouvrage plus fort, plus original, plus Intéressant que d'autres du même style, c'est qu'il s'agit d'une histoire vraie, d'une sorte de documentaire reconstitué.
Faire revivre l'époque
Le film est tiré du livre de souvenirs de l'inspecteur Roger Borniche qui, ayant arrêté 567 truands au cours de sa carrière à la Sûreté nationale, les connaît bien. A son tour, il s'est mis à table pour raconter minutieusement, coup par coup, l'histoire de ses trois ans de chasse à l'homme contre le tueur fou Emile Buisson. Jacques Deray a posé ses pas dans ceux de Roger Borniche et le suit fidèlement. Il fait d'abord revivre 1'époque (mode, allure, coiffures, voitures et appartements sont datés de 1947) puis il suit Borniche et ses collègues aux trousses de Buisson. Parallèlement, il suit Buisson et ses complices dans leurs planques et leurs « braquages » et brosse des paysages urbains qui vont du restaurant de luxe de Montmartre à ce bas Ménilmontant qui n'existera bientôt plus : rue Désirée, rue Gasnier-Guy, rue des Partants, rue de la Mare.
Bien que le policier ne soit jamais armé et que le gangster tire à tort et à travers, jalonnant sa route de meurtres, la lutte est inégale : Borniche possède tout l'arsenal de la Grande Maison et sait s'en servir. Du fichier aux indicateurs, des confidences aux écoutes téléphoniques, des filatures aux interrogatoires, tout au long de la poursuite, Deray nous dévoile le mécanisme et les rouages de l'investigation policière. Accessoirement, il nous montre que les « flics » ne sont pas tous à mettre dans le même panier quand Borniche s'insurge contre les méthodes brutales d'un de ses collègues. Ils sont aussi des hommes comme les autres qui rentrent parfois le soir à la maison avec un gros dossier sous le bras, regrettant de ne pas pouvoir emmener leur femme au cinéma.
Tout cela ne va pas sans un didactisme bien pensant, parfois un brin irritant. Surtout quand Alphonse Boudard, le dialoguiste, met par trop sa verve en veilleuse et laisse tomber de sa plume des aphorismes comme : « Orphelin à quinze ans d'un père alcoolique, ce n'est pas avec ça qu'on fait des séminaristes !... (Je cite de mémoire mais c'est l'idée), et ce revolver, « le P. 38, souvenir du Commando de France ! » O Alphonse ! Bleu-bite qui l'eût cru !
Un train bien huilé
A cela près, le film file bon train, bien carré, bien ficelé. La limite de Jacques Deray, c'est la suggestion. Il démontre, il expose, il explique, il ne va pas au-delà. Ainsi, quand Borniche-Delon nous confie, en final, que, pendant l'instruction, à force de rencontrer Buisson en tête à tête, il avait avec lui une sorte de complicité, il le dit, on l'entend mais on ne l'a pas ressenti ; cette complicité ne passe pas l'écran. Alain Delon en Borniche et Jean-Louis Trintignant en Buisson jouent le jeu avec conviction et pourtant, on ne peut s'empêcher d'imaginer leurs rôles intervertis rien que pour voir si le film serait tellement différent. Je ne le crois pas. Jacques Deray met sur les rails un train bien huilé et ne vise plus que le butoir d'arrivée. Seule surprise ici : le visage de Claudine Auger, vivant et vrai, à la portière.