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Daniele Evenou et Jacques Brel
Jacques Brel et Daniele Evenou
LE premier film de Jacques Brel nous entraîne dans un univers qui ressemble à celui de ses chansons : des moyens d'expression aussi différents se rejoignent ainsi dans la cohérence d'une œuvre. Les lieux et les gens, sur cette plage de la mer du Nord, respirent la mesquinerie, le misérabilisme d'une certaine Belgique (celle que haïssait Baudelaire...) avec ses fêtes sinistres comme la « rigolade» ses beuveries et le cérémonial sauvage de ses combats de coqs.
Un pauvre type
Le héros (Brel lui-même) c'est le pauvre type, celui qui avait « apporté les bonbons », ridicule de timidité et de maladresse, victime désignée des mauvaises farces. Il s'appelle évidemment Léon, et ce Léon rencontrera sa Léonie : une Barbara décoiffée, plus aigle noir que jamais. La chronique de ces pauvres amants se déroule sur ce fond de petitesses et de déceptions... Décidément, l'attachement de Jacques Brel se confirme pour ce personnage qui semble s'abandonner à la volupté de sa niaiserie, mais qui cache, peut-être, au fond de lui, quelque secret merveilleux. Ou bien rien du tout, qui sait ? Ce Léon n'est pas un monolithe : il affirme gravement « qu'il ne faut pas rire avec la tendresse », et, l'instant d'après, « qu'il aime rigoler », ébauchant pour une Barbara de marbre la triste imitation d'un débile mental. Si ses envolées d'absolu évoquent un idéalisme de collégien, c'est peut-être qu'il est blessé d'un traumatisme ineffaçable. Quand il raconte ses faits d'armes au Katanga, le voilà soudain surexcité comme un gamin, et puis trop calme. Et nous ne saurons pas qui était, réellement, ce Franz qui donne son titre au film. On croit à un moment à une révélation, à un éclatement, et puis on revient à cette plage grise, dans une course qui n'a même pas la beauté du désespoir : tout continuera comme avant, on ne s'évade pas de chez « ces gens-là ».