Jean-Daniel Pollet - 1968
Partager cette page sur Facebook :

En cas de non disponibilité me contacter
Toutes les images sont cliquables pour les obtenir en plus grand.
L'amour c'est gai, l'amour c'est triste
L'amour c'est gai, l'amour c'est triste
Bernadette Lafont et JP Marielle
Chantal Goya et Bernadette Lafont
Claude Melki et Dominique Zardi
Claude Melki et Doniol Valcroze
Jacques Robiolles et Claude Melki
JP Marielle et Bernadette Lafont
L'amour c'est gai, l'amour c'est triste
L'amour c'est gai,
l'amour c'est triste !
S'EST-ON assez moqué,
autrefois, de ces films
à « téléphone blanc » où
des hommes suprêmement
élégants baisaient avec distinction la main des femmes
du monde en robes de rêve
sous des clairs de lune miraculeux ? Vittorio de Sica
fil ses débuta de séducteur
irrésistible dans ces sortes
de productions.
La mode a changé. Outre
l'apologie de la pornographie, du sexe et du non-sexe,
la mode cinéma cultive volontiers, cette année, celle
de l'imbécillité. Le spectacle
d'imbéciles heureux s'exprimant par borborygmes et
monosyllabes (" Bof ! ")
semble être le fin du fin à
moins que cela ne soit la
fréquentation d'un imbécile
malheureux.
Tête de Turc de ses copains goguenards, incapable
de répartie, cocu avant la
lettre, touchant d'impuissance verbale, introverti,
simplet, Léon de la Bastoche est celui-là. C'est l'anti-
héros de Jean-Daniel Pollet
et Rémo Forlani dans
"L'amour, c'est gai,
l'amour, c'est triste". Bien
que les auteurs se régalent
du petit Léon, c'est plutôt
triste.
Un folklore démodé
Tailleur minable hanté
par la coupe de MayFair,
il s'en tient assez loin. Sa
sœur, Marie, elle, se tient
très près de nombreux messieurs. Léon, bon cœur, bon
esprit, est persuadé que cela va fâcher Maxime, son
« fiancé », mais Maxime est
plutôt content. C'est lui qui
relève le compteur des nuits
de Marie. Léon n'en croit
pas ses oreilles. Il ajoute un
crêpe à l'œil en berne qu'il
portait depuis le début du
film. Avec Arlette, la petite
copine de Marie qui débarque de Morlaix, il voudrait
bien pouvoir enfin s'exprimer, se déclarer, mais rien
à faire, et il est si transi,
si ennuyeux qu'Arlette passerait volontiers sous la coupe de Maxime. L'amour
donne de l'esprit aux tendres niais : Léon préserve
la vertu d'Arlette par quel
que stratagème. Il ne s'en
déclare pas davantage pour
cela, elle s'en retourne à
Morlaix tandis qu'il court,
agitant la main tout au
long du quai où le train roule vers Morlaix...
Avec « L'amour, c'est gai.
l'amour, c'est triste », Jean
Daniel Pollet et Remo Forlani ont souhaité, on imagine, réaliser une comédie
amère, cruelle, truculente,
savoureuse mais surtout
anti-tout. Pollet a dû voir
cela sous l'angle du populisme exotique ; quant à
Remo Forlani, anarchiste
proclamé — par lui-même,
à tous les échos, urbi et
orbi, de droite et de gauche — il est, à coup sûr,
persuadé d'avoir réussi une
œuvre très anticonformiste.
Rien ne me semble plus suspect et finalement plus
conformiste que cet anti-conformisme du décor hideux, du héros laid, des copains niais et jusqu'à celui
du dialogue qui conjugue l'
« Almanach Vermot » et
le Calendrier des Postes réunis. Certes, Forlani souligne ces sources, il les met
entre guillemets mais à
quelques exceptions près il
n'est pas très drôle. Il avait
autrement de talent dans
« Le Café Sneffle » et
« Lundi, Monsieur », qui
étaient datés, estampillés
époque 1936-1939. Ici, la date, c'est aujourd'hui et le
folklore « Bastoche » est
démodé.
En outre, le film repose
tout entier sur le comédien
fétiche de Jean-DanielPol
let : Claude Melkl, sorte de
Buster Keaton désespérément triste et laid, à la diction chouchouillante. Il faisait merveille dans le premier court métrage de Pollet, « Pourvu qu'on ait
l'ivresse », documentaire
aménagé sur les bastringues
de banlieue. Heureusement
que Bernadette Lafont, truculente, Chantal Goya et
Jean-Pierre Marielle, le mariole, viennent à la rescousse, sinon comme on s'en
nuierait.
Il se peut bien qu'une cer
taine couche d'intellectuels
forcenés s'émerveillent de la
tendresse mi-pitié, mi-mépris que suscite le dérisoire
Léon à ses auteurs mais les
Léon n'aimeront pas cela, je
vous le promets. Les Léon
sont susceptibles et peut
être qu'il faut les respecter
plutôt que de s'en servir
comme archétypes du pauvre type. Le Léon aussi va
au cinéma et il préfère
peut-être les films à « téléphone blanc ».