Si les fiches que je réalise pour BDFF pèchent parfois par leur non-exhaustivité côté distribution, c'est que je n’ai pu réunir le nom de tous les acteurs, faute de preuves. En effet, la passion du cinéma qui m’anime ne m’assure pas toujours les moyens d’investigations suffisants, aussi certaines fiches pourront-elles sembler bien incomplètes aux cinéphiles qui les consulteront. Elles ont cependant le mérite de se baser sur des éléments dûment vérifiés.
Toutes les images sont cliquables pour les obtenir en plus grand.
Mais qu'est-ce qu'elles veulent
MAIS QU'EST-CE QU'ELLES VEULENT ? Film français de Coline Serreau (1976),
MAIS qu'est-ce qu'elles veulent ? Qui ? Les
femmes. Parallèlement au
programme commun des
femmes dont les revendications sont connues, légitimes et précises, Coline Serreau avait envisagé de faire un film appelé « Utopie »
dans lequel, les femmes auraient décrit concrètement
la société dont elles rêvaient.
C'est dans ce but qu'elle
entreprit d'interviewer des
femmes d'âges et de milieux
différents. Aucune ne rêvait mais toutes avaient envie de parler, de raconter
leur vie, leurs luttes, elles
voulaient surtout être entendues et comprises.
Cependant, ces femmes,
Coline Serreau les avait
choisies et pas au hasard.
C'est d'abord une paysanne de la Drôme dans son
superbe décor naturel. Son
mari l'a quittée, elle fait
marcher seule l'exploitation et c'est dur. La somptuosité des arbres, le pittoresque de la traite des chèvres, vraies images de beauté et de vacances, ne laissent pas oublier les difficultés et la solitude de
cette femme.
Levées avant le jour
Dans le Nord, des ouvrières du textile racontent leur
lever avant le jour, l'attente du car de ramassage
dans la nuit et le froid, le
travail aux pièces. Portrait
de la condition ouvrière qui
est également celle de beaucoup d'hommes Cependant
à leurs huit heures d'usine
les femmes doivent ajouter
l'entretien de la maison et
des enfants. Elles passent
des années de leur vie à
manquer de sommeil. Deux
militantes syndicales exposent leurs luttes et leurs
espoirs.
L'enchaînement suivant
n'est pas fortuit. Après ces
ouvrières harassées, voici
Mme X..., cinquante-cinq
ans, sans profession, catholique, femme d'industriel.
Elle fait évidemment figure de privilégiée mais elle
est en outre réactionnaire,
plutôt hostile à l'égalité des sexes et résignée, maintenant que ses trois enfants
sont partis, à un certain
ennui, tout en proclamant
contre toute évidence qu'elle ne s'ennuie jamais. S'il
fallait une bourgeoise, pourquoi avoir choisi celle-ci —
dont le type devient rare —
sinon pour la piéger ? Bien
plus arbitraire encore, le
cas de Véronique, tout à
fait marginale, actrice de cinéma porno à qui il faut,
semble-t-il, bien du temps
pour découvrir que son producteur n'a qu'un souci :
prendre l'argent des cochons de payants. Coline
Serreau, tout en écoutant
Véronique, ne laisse pas sa
caméra chômer. Elle profitera du montage pour insérer, avec pas mal d'hypocrisie, des plans audacieux de
pur cinéma porno dans le
galimatias pseudo-sociologique de Véronique.
Vient alors une anorexique que la psychanalyse n'a
pas délivrée de sa hantise de
prendre un gramme. Elle
dénonce une société qui impose une certaine image ce
la femme. Dans « Scènes de
la vie conjugale », Liv Ullman exprimait cela en beurrant une tartine de telle façon que beaucoup de femmes pouvaient se sentir
concernées. Rien de tel ici,
il s'agit d'une névrose très
particulière.
Enfin entre en scène une
personne de soixante-cinq
ans, intelligente au premier
regard, sans hargne et
sans fureur qui n'en veut
qu'à l'Eglise. Docteur en
théologie, elle n'a jamais
été admise à devenir pasteur d'abord parce qu'elle
était femme, ensuite parce
qu'elle était mère de sept
enfants. (C'est injuste, sans
doute, mais avouez que le
cas est original.) Il lui reste
beaucoup d'énergie encore,
elle n'a pas renoncé et elle
milite au M.L.F.
Une veuve de cinquante
ans clôt la série. Elle parle
de ses trente ans de mariage comme d'un bagne et sa
haine du « cher disparu »
transparaît à chaque phrase. Peu de veuves se reconnaîtront en elle à coup sûr
car le combat pour la libération de la femme ce n'est
pas la guerre des femmes
contre les hommes, maris
ou patrons.
Or, en dépit de son air
bonasse et bienveillant,
« Mais qu'est-ce qu'elles
veulent ? » ranime en tapinois la haine des sexes.
Ce n'est pas un film innocent. Le choix des interviewées en témoigne tout autant que le montage extrêmement travaillé, qui dirige à l'évidence la sympathie et l'hostilité du spectateur, ce qui ne laisse pas
d'être pour le moins irritant.