Si les fiches que je réalise pour BDFF pèchent parfois par leur non-exhaustivité côté distribution, c'est que je n’ai pu réunir le nom de tous les acteurs, faute de preuves. En effet, la passion du cinéma qui m’anime ne m’assure pas toujours les moyens d’investigations suffisants, aussi certaines fiches pourront-elles sembler bien incomplètes aux cinéphiles qui les consulteront. Elles ont cependant le mérite de se baser sur des éléments dûment vérifiés.
Toutes les images sont cliquables pour les obtenir en plus grand.
PERCEVAL le Gallois date du XIIe siècle , son auteur : Chrétien de Troyes, fut le premier de tous les romanciers. Ce n'est pas une raison pour rester guindé devant eux avec une réserve et un sérieux contraignants. Il y a du Candide et du Superman dans Perceval, qui tient du western et ferait aussi un excellent héros de « B. D. » ou de dessin animé. On a donc parfaitement le droit de rire, c'est même recommandé, à certains épisodes des aventures du Gallois, tout comme à d'autres moments on a loisir de se laisser bercer et émouvoir par la poésie d'un texte dont le rythme et la rime annoncent déjà Ronsard. En professeur de lettres éclairé, Eric Rohmer a voulu faire sa propre traduction du vieux français mais celle-ci est très proche de celle des petits classiques Larousse qui conserve également de savoureux archaïsmes. Perceval est une vieille connaissance pour Rohmer qui lui consacra déjà, dans les années soixante, un film pour la télévision scolaire. Cela n'enlève rien à l'originalité de l'expérience pour grand écran et grand public qu'il tente ici en portant à l'écran la vie d'un damoiseau du XIIe siècle (racontée en vers de huit pieds), dont les préoccupations sont à mille lieues de celles des jeunes gens de notre époque.
Voyage initiatique
Perceval est un grand dadais élevé par sa mère dans l'ignorance totale du monde qui l'entoure lorsqu'il rencontre ébloui, au détour d'une forêt, un groupe de chevaliers. Il croit voir Dieu et ses anges et n'a plus qu'une seule idée : devenir chevalier. Son père, ses frères, qui l'étaient, sont morts en des tournois et sa mère éplorée se pâme en le voyant à son tour enfourcher son palefroi pour galoper se faire adouber chez le roi Arthur. Voyage initiatique à travers lequel le sauvageon se police, vainc miraculeusement le chevalier Vermeil, n'évite pas toujours le ridicule mais trouve l'amour, venge la pucelle outragée et poursuit la quête du Saint Graal. Certes, le décor ne lasse pas d'être tout d'abord déconcertant. Stylisé, c'est le moins qu'on puisse dire, mais pas spécialement en forme de tremplin à rêves. Quatre gros chênes d'aluminium symbolisent la vaste forêt tandis que les châteaux féodaux semblent emboutis dans du métal doré de boîte de conserve. Cette représentation laisse perplexe, mais le prodige c'est qu'on l'oublie assez vite pour admirer l'intelligence avec laquelle Eric Rohmer distribue le texte entre le chœur (suivantes, troubadours), et les personnages qui parlent d'eux-mêmes à la troisième personne. La monotonie ainsi brisée, on demeure suspendu aux vers et aux aventures de Perceval. Elles se déroulent pourtant dans le champ clos de deux seuls décors (l'un pour les extérieurs, l'autre pour les intérieurs) qui suffisent au metteur en scène pour suggérer grands espaces, tournois en lice, longues distances et même le temps qui s'écoule. Je ne vous dirai pas que « Perceval » est le type même du film divertissement, ce n'est pas exactement ce qu'on attend du cinéma le samedi soir, pourtant, sa noblesse, sa candeur, sa poésie et même son aspect culturel très marqué constituent un dépaysement qui vaut le détour.