Les cinq sous de Lavarède 1938 Maurice Cammange Fernandel Josette Day Marcel Vallée
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5 sous à éclipse.

Si ces 5 Sous de Lavarède constituent l'un des fleurons de la carrière de Fernandel, le film a bien failli ne pas se faire, suite aux défaillances, heureusement momentanées, de la production.

En celle année 1938, alors qu'il vient déjà d'enchaîner Barnabé et Tricoche et Cacolet, Fernandel est au sommet de la gloire. Ce qui suppose énormément de bonnes choses, à commencer par une immense popularité et des cachets en rapport avec celle-ci, et aussi quelques mauvaises, à savoir les ragots que colporte une presse avide de révélations sensationnelles. Ainsi le journal Heures de Paris assure-t-il que Fernandel « touche un million par film et refuse deux millions et demi pour se rendre en Amérique ». Si cette énormité déplaît au comédien, elle agace encore plus son épouse qui lui suggère de réagir à une telle exagération. Et, certes, il trouve qu'elle a mille fois raison. Si bien que, de sa plus belle plume quelque peu trempée dans le vitriol, il expédie une mise au point à la rédaction qui, droit de réponse oblige, la publie in-extenso : « Il faudrait que j'aie une piètre opinion de moi-même pour avoir une exigence pareille, écrit Fernandel. J'ai du succès, c'est vrai, mais je ne suis pas grisé à ce point et je comprends très bien qu'il ne faut pas profiter d'une popularité pour prendre à la gorge les producteurs qui, d'ailleurs, ne marcheraient pas, car ils peuvent vouloir une vedette à condition que, malgré sa valeur commerciale, elle n'entrave pas la réalisation du film par ses prétentions. A titre documentaire j'ai touché 200 000 francs pour Ignace et Les Rois du sport et, jusqu'à présent, je n'ai pas encore dépassé 350 000 francs. Vous voyez comme nous sommes loin du million et qu'il n'y a rien de vrai dans ce que vous écrivez...
Il est tout naturel que vous me trouviez mauvais acteur et que je ne vous plaise pas, la critique est libre et je ne me suis jamais froissé de ce que l'on a pu écrire sur moi de bon ou de mauvais. Le premier, je me suis déplu bien souvent dans certains films, mais je n'admets pas que l'on trompe le public en racontant que je gagne des sommes mirifiques. » Heures de Paris a peut-être tout inventé de cette histoire mais, bien loin d'être marri d'être de la sorte démasqué, son rédacteur en chef se frotte les mains, car ce numéro du 28 avril 1938, où est passé le démenti de Fernandel, a vu ses ventes doubler. Le malheur des uns fait parfois le bonheur des autres.

Je n'admets pas que l'on trompe le public en racontant que je gagne des sommes mirifiques.

Mais, déjà, l'acteur a tout oublié de l'incident car il est sur le point de commencer le tournage des 5 Sous de Lavarède. Dans un premier temps, quand on lui a proposé d'être l'aventureux Lavarède, il a été quelque peu perplexe. Il ne se voyait pas précisément sous les traits de ce globe-trotter sautant d'un continent à l'autre, déboulant d'une péripétie rocambolesque au fin fond de l'Asie pour, l'instant d'après, se retrouver en plein règlement de comptes entre gangsters made in USA. D'autant qu'il a eu un peu de mal à se reconnaître dans la description qu'en brosse son auteur, Paul d'Ivoi : « Armand Lavarède naquit à Paris, d'un père méridional et d'une mère bretonne. Il participait des deux races, empruntant à l'une son entrain primesautier, à l'autre son calme réfléchi. De plus,Parisien, il reçut ce don propre aux enfants de Lutèce, l'esprit débrouillard et gouailleur, aussi difficile à étonner qu'à effrayer. »
Évidemment, à part le père méridional, la ressemblance n'est pas frappante. .. Mais baste ! N'est-ce pas précisément tout le plaisir de l'acteur que de se glisser dans des rôles et des panoplies où on ne l'attend pas?
En mai 1938, il commence le tournage des 5 Sous de Lavarède, qui s'interrompt presque aussitôt. Pour une histoire de sous, justement. Car si Lavarède prétend faire le tour du monde avec 5 sous en poche, un film exige, lui, un budget beaucoup plus conséquent que 25 centimes. Et le producteur n'a pas réussi à rassembler les capitaux sur lesquels il comptait. Si Fernandel ne prend pas de gaieté de cœur cette interruption, qui menace d'être définitive, elle n'est tout de même pas pour lui une vraie catastrophe, car Christian-Jaque vient de lui proposer de tourner Ernest le Rebelle sur des dialogues du très prestigieux Jacques Prévert qui vient de signer Drôle de drame et Quai des Brumes. Si, à sa sortie, cet Ernest ne rencontre pas le succès escompté il faut croire que Prévert est plus à l'aise dans le drame que dans la comédie , Fernandel se console bien vite car une bonne nouvelle est arrivée : le tournage des 5 Sous de Lavarède peut reprendre.
Il se déroulera de fin juillet à fin août 1938, à Cassis, Marseille, La Ciotat. Le réalisateur Maurice Cammage présentera son film à la presse avec une emphase quelque peu moralisatrice : « Après tant de sujets âpres ou morbides, peuplés de désaxés et d'anormaux, semés de drames, de meurtres ou de suicides, voici un grand film sain, optimiste et gai qui vient à son heure. » ■

Générique :

Sortie à Paris le 8 mars 1939
Réalisation : Maurice Cammage
Scénario : Jean-Louis Bouquet
D'après le roman de Paul d'Ivoi et Henri Chabrillat
Directeur de la photographie : Georges Clerc
Musique : Casimir Oberfeld
Décors : Hugues Laurent, Raymond Druart

Interprétation :

Armand Lavarède : FERNANDEL
Miss Aurett Murlington : JOSETTE DAY
Bouvreuil : MARCEL VALLÉE
La princesse Djali : JEANNE FUSIER-GIR
Tartinovitch : JEAN TEMERSON
La concierge : MADY BERRY
Maître Panabert : DUVALEIX
Le capitaine du navire : FÉLIX OUDART
Murlington : JEAN DAX

 

Par Brahma :

Les 5 Sous de Lavarède sont l'occasion pour Fernandel d'interpréter deux chansons (écrites par son beau-frère Jean Manse), comme il le fait assez régulièrement dans les films de cette période : Je suis une petite nature et Par Brahma! qu'il chante déguisé en bayadère et dont voici un couplet : « Chez l'Roumain y'a le voïvode, Chez l'Cubain, la cucaracha, Y'a aussi la teinture d'iode, Ben aux Indes, y'a l'maharadjah ! Par Brahma, par Brahma! Oh, quelle drôle de coutume Par Brahma, par Brahma! C'est comme ça à Calcutta ! »