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CE n'est pas le film énigme qui transforme le spectateur en penseur ; rien à voir non plus avec ce cinéma pseudo-philosophique qui envisage la finalité de l'homme et moins encore avec les productions marginales où les héros traînent les pieds et mâchouillent une bouillie scatologique en guise d'échanges de vues. Non, dans « Peur sur la ville » les acteurs bondissent et les répliques partent en flèche. Deux heures d'action divertissante, une sorte de retour à l'adolescence à travers un jeu serré de gendarmes et de voleurs, de l'aventure, des exploits et quelques clous brillants pour consteller l'ensemble, voilà un cinéma spectaculaire qui se fait rare et qu'on a bien du plaisir à retrouver de temps en temps.
Henri Verneuil est le chef
d'orchestre de cette symphonie pour « petite tronche et gros muscle » dont
Belmondo est le soliste inspiré.
Une vraie bénédiction d'avoir Belmondo pour interprète. Le film n'était
possible qu'avec lui. Il paie
comptant : rodéos dans les
rues de Paris, cascades sur
les toits, gambades sur les
wagons du métro aérien en
marche, plaquages sous les
tunnels, il fait tout sans
doublure, sans trucage
pour finir en apothéose suspendu à un filin qui le balance sous son hélicoptère
porteur. On a envie d'applaudir chacune de ces performances : c'est le gala de
L'artiste Bébel, mais Belmondo est aussi un acteur solide
et il endosse parfaitement
bien son rôle de policier
vengeur.
Le scénario d'Henri Verneuil, adapté par Jean Laborde et dialogué au petit point par Francis Veber, n'est pas mal ficelé du tout. Il tourne autour de ce commissaire Letellier qu'incarne Belmondo, policier crédible parce qu'il n'est pas parfait et qu'il n'a rien du chevalier Bayard. Letellier cultive une rancune, une idée fixe de vengeance contre un certain Marcucci, truand de son état, qui a tué son adjoint au cours d'un hold-up. Letellier est bien décidé à le retrouver un jour et tous ses subordonnés savent que la chasse est ouverte en permanence.
Un cinéma musclé
En attendant, Letellier est chargé d'autres enquêtes et nous le voyons démarrer avec son adjoint Moissac (l'excellent Charles Denner) sur l'affaire du tueur de dames. Un détraqué sexuel s'est érigé en redresseur de morale et tue systématiquement les femmes dont la vie privée ne lui paraît pas irréprochable. Il s'en vante, écrit aux journaux, à la police, signe Minos, le Minos de « L'Enfer » de Dante (« Là se tient Minos, horrible et grinçant des dents... »). Deux victimes déjà ont succombés. Letellier et Moissac prennent en filature le fou qui a enfourché une grosse moto. En dépit des embouteillages parisiens, leur voiture colle à leur proie. Ils vont l'atteindre quand la radio annonce à Letellier qu'on a localisé son Marcucci. Il fait volte face, abandonne la poursuite et file vers sa vengeance. Mauvais point pour le commissaire Letellier : ses supérieurs le tancent vertement et lui assènent une rare insulte : à savoir que, s'il a de gros muscles, il n'a qu'une noisette dans la tête en guise de cervelle. Alors le commissaire va faire marcher à la fois ses gros biceps et ses petites cellules grises pour découvrir et neutraliser le tueur de dames à l'œil de verre. Comme il y a du Zorro chez Belmondo, il y parvient, n'en doutez pas, mais seulement après vous avoir donné votre content d'émotions spectaculaires efficacement filmées par Henri Verneuil, qui se joue de difficultés assez vertigineuses. Une restriction peut-être : la poursuite sur les toits où il nous montre chacun des adversaires se livrant à des acrobaties éblouissantes mais où l'on perd complètement le fil de la poursuite. N'empêche : il est bien agréable de retrouver son esprit juvénile devant ce divertissement bien troussé. On peut certes ne pas aimer ce cinéma musclé, mais on ne peut dénier à Henri Verneuil ses qualités de battant de la mise en scène, ni à Belmondo son élégance dans les cascades les plus périlleuses, ni à ses partenaires leur conviction.