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Article et interview en 1972 :
La technique de René Clément au service de l'esprit de Noël - Noël
SI on me demande : « C'est vous qui avez réalisé « Le Père tranquille » ? je réponds « Oui », dit René Clément, mais il ajoute : « Pour moi, ce film est une parenthèse », et il reconnaît sans ambages que son rôle, assumé de plein gré, fut celui du technicien. Pour lui, comme pour nous, « Le Père tranquille » porte, en effet, la marque ironique et amicale de l'esprit de Noël-Noël qui l'a conçu de A à Z. ! On peut, d'ailleurs, facilement imaginer que Clément en avait été le co-auteur, on retrouverait dans cette reconstitution des années de l'Occupation ce souci passionné d'exactitude et de précision qui le caractérise. Mais les circonstances étaient tout autres : « Noël-Noël, explique-t-il, avait vu mon premier long métrage, « La Bataille du rail », avant son achèvement. Il avait été frappé par le personnage du cheminot retraité arraché à ses pantoufles pour placer, sur la voie, une locomotive qui arrêtera le train allemand. » Peu à peu, le souvenir qui hantait Noël-Noël se combina avec l'aventure authentique d'un entrepreneur de Confolens, en Charente, M. Vergeau. C'est ainsi que naquit, dans son esprit, lepersonnage du « Père tranquille », à la fois héros et petit-bourgeois.
Son seul film sur commande
Il n'y avait plus, dès lors, qu'à tourner le film et, tout naturellement, l'auteur d'« Adémaï » reprit contact avec René Clément pour, lui demander d'être son metteur en scène. Leur collaboration fut sans nuages. Le film, ni cher ni bon marché, fut réalisé aux studios des Buttes-Chaumont et aux Sables-d'Olonne. Il remporta un très grand succès. Pour René Clément, ce ne fut pourtant que le seul film qu'il ait tourné sur commande, et l'on comprend que pour un homme comme lui qui a, plus peut-être qu'aucun autre, contribué à imposer la notion de « cinéma d'auteur », il ne s'agisse que d'une parenthèse. Malgré ses qualités, il s'insère d'ailleurs mal dans le triptyque impressionnant : « La Bataille du rail », « Les Maudits » et « Jeux interdits », qui témoigneront longtemps encore de la réalité de la guerre.
Un enfant qui s'en va
Il tient donc une place en marge dans une carrière d'une netteté et d'une limpidité plutôt rares. Mi-Bordelais, mi-Landais, ce fils de décorateur, lui- même étudiant en architecture puis opérateur, réalisateur de courts métrages avant la guerre, s'imposa d'un seul coup, dès la Libération, par le chef-d'œuvre qu'il avait entrepris pendant qu'il était lui-même recherché par les Allemands. Une longue série de films impeccables, presque trop bien faits, parfois glacés, suivit le triptyque qui le rendit célèbre. Qui ne se souvient de « La Belle et la Bête », de Cocteau, dont il fut le conseiller technique, ou d'"Au-delà des grilles" des œuvres presque amusées comme « Monsieur Ripois », avec Gérard Philipe, ou pathétiques comme « Gervaise », sans oublier des « policiers » de haute précision comme « Plein soleil » et « Le Passager de la pluie". Mais on attend encore beaucoup de René Clément. Si pour lui, en effet, un film achevé, c'est un enfant qui s'en va, le prochain est toujours un prototype auquel il consacre douze, quinze mois de sa vie. Cet homme mince, réservé, mais qui, soucieux de se faire parfaitement comprendre, s'explique minutieusement sur le moindre de ses propos, construit ses films avec un soin jaloux.
Des vaisseaux de haut bord
Sa formation d'architecte, son goût pour les arts plastiques lui donnent un sens aigu de la composition, de la forme, des plans et des volumes. De la couleur aussi : il proscrit dans ses films certaines gammes et conçoit ses images comme des peintures. Dès lors, le hobby de ce perfectionniste n'a plus rien pour surprendre : René Clément collectionne les maquettes de navires anciens — des vaisseaux de haut bord des XVIIème et XVIIIème siècles — réalisées jadis dans les arsenaux et dans lesquelles on retrouve, à l'échelle, les normes d'une rigueur implacable qu'avait édictées en son temps cet autre intransigeant que fut le grand Colbert.
Nadine alari : Sa première chance.
"Le Père tranquille", dit Nadine Alari (photo) avec amusement et une pointe de nostalgie, c'est un peu, pour moi, le souvenir d'une cellule familiale, bien unie, très gaie. C'est l'amitié de Noël-Noël et celle de José Artur, qui est resté un de mes meilleurs camarades. » Ce n'étaient pas absolument ses débuts : sa mère, Christiane Verger, qui composait des chansons pour Montand, Mouloudji, les Frères Jacques, et son père, décorateur, étaient des amis des frères Prévert et de Noël-Noël. Nadine avait fait ses premiers pas chez Agnès Capri et à la Gaîté-Montparnasse et tourné un petit râle dans « Jéricho », mais c'est à Noël-Noël qu'elle dut son vrai départ avec « Le Père tranquille ». « Une très grande chance, convient-elle aujourd'hui, car le film marcha admirablement. » Cette chance, peut-être ne sut-elle pas l'utiliser pleinement. « Je me rendis compte plus tard que je m'étais un peu endormie, et que si j'ai été, en quelque sorte lâchée par le cinéma, c'est en grande partie ma faute. » Au théâtre en revanche, après avoir joué beaucoup de pièces de boulevard, elle a trouvé sa voie du côté des centres dramatiques, des maisons de la culture, au contact d'animateurs comme Planchon. On l'a vue assez régulièrement à ta télévision, récemment encore dans un « Robineau ». On la reverra dans «Double assassinat dans la rue Morgue» d'après Edgar Poe. Mais Nadine Alari ne se veut pas uniquement comédienne. Collégienne — élève un temps du philosophe Merleau-Ponty — elle hésitait entre la psychiatrie et le journalisme. Elle a conservé sa curiosité : grande voyageuse, elle est aussi une excellente photographe dont les sujets de prédilection sont l'Afrique et les oiseaux.