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Muriel ou le temps d'un retour
Delphine Seyrig Jean Pierre Kerien
Jean Baptiste Thierree Martine Vatel
Jean Baptiste Thierree Philippe Laudenbach
Nita Klein Jean Baptiste Thierree
Delphine Seyrig Hélène Aughain Jean-Pierre Kérien Alphonse Noyard Nita Klein Françoise Laurence Badie Claudie Jean Champion Ernest Philippe Laudenbach Robert Julien Verdier Le loueur de chevaux Catherine de Seynes Angèle Françoise Bertin Simone Laure Paillette La cliente dans la rue Nelly Borgeaud La femme du couple d'acheteurs Gérard Lorin Marc Jean Dasté L'homme à la chèvre Jean-Jacques Lagarde L'employé du casino Yves Peneau L’employé de la SNCF Yves Vincent L'homme du couple d'acheteurs Claude Sainval Roland de Smoke Jean-Baptiste Thiérrée Bernard Aughain Paul Chevalier Un invité Martine Vatel Marie-Dominique Robert Bordenave Le croupier Wanda Kerien La cliente Gaston Joly Antoine, le tailleur Éliane Chevet « L’alsacienne » ou X
APRES « Hiroshima », qui fit couler tant d'encre et de salive, après « Marienbad » (qui lui valut le Lion d'Or à Venise, il y a deux ans), Alain Resnais vient de présenter son troisième long métrage : « Muriel ». Comme ses précédentes œuvres, « Muriel » montrera à Resnais qu'il a toujours autant d'admirateurs passionnés que de détracteurs acharnés. Il ne le fait pas exprès, mais sa vision du monde le plus quotidien est si déconcertante qu'il faut vaincre beaucoup d'habitudes acquises pour la regarder seulement sans préjugés.
Ici, cependant, avec la collaboration de l'écrivain Jean Cayrol, il nous conte une aventure en apparence très banale. A Boulogne-sur-Mer, ville neuve où rien ne rappelle le passé, Hélène, au seuil de la quarantaine, a envie de revoir Alphonse qui fut son premier grand amour il y a vingt ans. Il accepte la rencontre et débarque à Boulogne avec sa maîtresse, qu'il présente comme sa nièce. Ils vont habiter chez Hélène qui partage déjà son appartement-boutique (elle est antiquaire) avec Bernard, son beau-fils.
Tandis qu'Hélène et Alphonse confrontent des souvenirs dont les variantes les accablent, Bernard, lui, se force à revivre, sans trêve, le plus atroce de ses souvenirs : celui de Muriel, une jeune fille qu'il a vu torturer en Algérie pendant son service militaire.
Tous ces personnages, réunis chez Hélène, prennent la mesure des obsessions et des souvenirs qui les séparent. Ce sont tous des personnages en fuite, mais ils se fuient autant eux-mêmes qu'ils se fuient entre eux. Sous leurs propos les plus ternes et les plus quotidiens, on entend le cri d'angoisse d'une solitude intérieure que rien ne peut briser, ni l'amitié, ni l'affection, ni l'amour, et surtout pas les souvenirs.
Resnais se penche avec une attention passionnée sur le moindre geste, l'attitude la plus fugitive de ses personnages. Son film ressemble à une fascinante partie de billard dont les boules que sont Hélène, Alphonse, Bernard, Françoise et les autres ne s'entrechoquent que pour mieux s'écarter. A ce jeu-là, Resnais est passé virtuose et si « Muriel » reste une œuvre secrète et difficile, elle livre pourtant, dès la première vision, sa poésie vibrante et insolite.
Le personnage d'Hélène, celui auquel Resnais semble avoir porté le plus d'amour, est interprété par Delphine Seyrig avec une nervosité retenue, un charme désuet et captivant qui lui valut à Venise la Coupe Volpi attribuée à la meilleure actrice. Ses partenaires sont à sa hauteur dans cet ouvrage infiniment attachant ( bien davantage que « Marienbad » à mon sens) où le jeu des visages et des sons est d'un raffinement si aigu que l'on n'en épuise pas les sortilèges en une seule fois.