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Barbara Marco Perrin Jacqueline Maillan
Jean Claude Brialy et Jacqueline Maillan
Micheline Presle et Xavier Saint Macary
IL s'appelle Armand. Il
est brun, élégant, charmeur, i1 connaît son
monde comme personne, il
sait être snob quand il le
faut — ce qui n'affecte en
rien les sentiments profonds — compréhensif,
bienveillant, attentif. Il
est en outre fort discret.
Bref, c'est la perle, l'oiseau rare, Jean-Claude
Brialy tel qu'en lui-même
le change ce rôle de valet
de rêve qu'il s'est offert
pour son troisième film
de réalisateur.
Toutes les maltresses de
maison de Paris se l'arrachent, ce qui nous vaut un
film à sketches, une sorte
de manège dont Armand
est le pivot. Bien difficile
à réussir, un film à sketches : cela demande une
vivacité de trait, un
rythme sûr et la science
d'obtenir à travers les personnages les plus variés
un équilibre soutenu et
une parfaite homogénéité
d'ensemble. Rien ne tombe
plus aisément dans l'artifice et le superficiel que
ce genre-là. C'est ce qui
arrive à « L'Oiseau rare »
qui repose sur un postulat
fort conventionnel : tout
le monde ne peut pas retrouver son premier « Carnet de Bal ».
L'anti-Bécassine
Par chance, Jean-Claude
Brialy possède un certain
art, qu'eût apprécié Jean
Cocteau, de faire semblant
d'avoir organisé jusqu'aux
défauts de son film.
« L'Oiseau rare » a finalement les qualités de ses
défauts : c'est un ouvrage
qui va à la paresseuse, ce
qui convient parfaitement
au rythme de l'été ; ses
portraits-caricatures relèvent des potins, des commérages mondains et
d'une frivolité misogyne
que, seuls, certains hommes possèdent a fond. Le
père de Marie-Chantal ou
Jean-Claude Brialy, par
exemple.
Finalement, « L'Oiseau
rare », c'est l'anti-Bécassine. Armand, le valet de
charme, est plus intelligent, plus vertueux, plus
subtil que toutes ses patronnes successives, et il sera récompensé par l'héritage que lui laissera en
mourant son seul employeur raisonnable : un
homme, incarné par Pierre
Bertin. Ce vieux poète-philosophe-amoureux des
chats ressemble, avec une
exquise finesse, à Paul
Léautaud comme un frère
propret, sans cabas, et qui
aurait eu les moyens de
s'offrir un valet. Quant
aux femmes, on en chercherait en vain une seule
qui ne fût pas fofolle,
nymphomane, frivole, stupide. On n'aura guère de
peine à identifier les modèles qui ont servi à
Brialy. On ne saurait parler à leur propos de personnages à clés, i1 laisse
traîner les passe-partout.
A chacun de savoir s'en
servir pour découvrir qui
se cache derrière Micheline Presle (la femme du
promoteur éprise de danse
rythmique), Anny Duperey (la petite comtesse
ruinée qui vit ses folies
dans son hôtel crasseux
mais d'époque), Barbara
(mi-Callas, mi-Sarah Bernhardt qui fait un numéro
prodigieux d'émotion sous
couvert de ridicule) et
Jacqueline Maillan (ministresse, myope, qui redevient femme, le soir venu,
pour danser le tango avec
Armand).
Toutes sont là pour faire
rire des mœurs outrées de
ces Parisiennes de fantaisie, et les actrices s'en
paient avec usure. Je vous
promets qu'au « Star » de
Clocher-les-Bécasses, les
héritiers de Bécassine n'ont pas fini de se taper
sur les cuisses pour prendre leur revanche.