Si les fiches que je réalise pour BDFF pèchent parfois par leur non-exhaustivité côté distribution, c'est que je n’ai pu réunir le nom de tous les acteurs, faute de preuves. En effet, la passion du cinéma qui m’anime ne m’assure pas toujours les moyens d’investigations suffisants, aussi certaines fiches pourront-elles sembler bien incomplètes aux cinéphiles qui les consulteront. Elles ont cependant le mérite de se baser sur des éléments dûment vérifiés.
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Elisabeth Ercy et Alexandra Stewart
Pascal, Jean Claude (Franck, premier rôle dramatique à la télévision) Bozzuffi, Marcel (Charles) Stewart, Alexandra (Hélène, premier rôle dramatique à la télévision) Ercy, Elisabeth (Diana)
"Sans merveille", première oeuvre pour la télévision de Marguerite Duras et Gérard Jarlot est, tout au long d'une année, l'histoire de l'amour de Franck et d'Hélène, de leur rencontre et de leur pouvoir à mettre fin à cet amour ou à le rendre éternel. Le film s'ouvre sous le signe du destin par la rencontre de Franck et d'Hélène à Deauville. Au terme d'un vagabondage à travers le Deauville de la Belle Epoque, ils décident de se marier sans plus attendre ... dans l'émerveillement de l'hypnose. Une année se passe ... Cette durée sera rendue sensible de la façon suivante : une seule conversation qui ne se limitera pas au cadre et au temps dans lequel et pendant lequel elle a lieu, mais sera artificiellement dispersée à travers divers lieux et diverses saisons. "Nous nous aimons, sans merveille, sans éternité ..." dit Franck. Mais Franck tient à Hélène et pour ne pas tomber dans l'habitude conjugale, il va inventer un système, un mensonge, un secret, provoquer une crise. Ce mécanisme fonctionnera à merveille : quand tout éclatera, l'amour et la mort seront vainqueurs ... Deux autres personnages ont aussi leur importance : Charles, le complice et Diana, l'instrument du destin.
Mots clés : drame ; banlieue (parisienne, ouest) ; Sèvres ; villa (baroque, 1900) ; couple ; amour (absolu) ; vérité (mensonge) ; mort
Baroque et obscur
En faisant tourner à notre intention « Sans merveille », la R.T.F.
a obéi à un louable souci de donner à la Télévision un de ses premiers chefs-d'œuvre.
Rien ne fut négligé pour mener
à bien cet orgueilleux projet. On
réquisitionna la littérature avec
Marguerite Duras, la romancière
du « Barrage contre le Pacifique » et la scénariste de « Hiroshima
mon amour », Gérard Jarlot,
qui, cette année, a obtenu le prix
Médicis, le jeune cinéma avec
Michel Mitrani, dont l'œuvre télévisée, « Tous ceux qui tombent »,
a été couverte de louanges et de
lauriers, une musicienne de grand
talent, Germaine Tailleferre, et
l'opérateur préféré d'Alain Resnais, Vierly.
Hélas ! les chefs-d'œuvre ne se
fabriquent pas comme des babas
au rhum. II n'y a pas de recette.
Il y a peut être même une loi
contraire : plus on veut faire l'ange, plus on fait la bête, plus on
veut imaginer un chef-d'œuvre, plus on accouche d'un monstre
raté.
Ainsi, dans la brillante équipe
de « Sans merveille », personne
ne retrouva la verve de ses succès
d'antan. Et, mardi, le public ne
comprit rien à cette histoire baroque et obscure. II s'irrita même
contre ces comédiens qui psalmodiaient ou qui faisaient des gestes
de danseurs maladroits. Il chercha
en vain, par-delà la villa style Majorelle, les glaces sorcières, les rocailles, la diction difficile de la
belle Alexandra Stewart et le visage
fatigué de Jean-Claude Pascal, une
miette d'humanité à laquelle il se
serait raccroché.
Par milliers, les postes se sont
fermés.
Mais le public ne se serait-il pas
trompé ? Il est bien certain que si
l'on avait donné les « Chants de
Maldoror », de Lautréamont, en
feuilleton, cette publication aurait
déterminé une vague de désabonnements. Et, cependant, « Maldoror » est un chef-d'œuvre.
Tel n'est pas, à notre avis, « Sans
merveille ». Il y a quelques jours,
Jean-Paul Sartre écrivait à propos
de Mallarmé qu'il était légitime
d'employer un langage difficile
pour dire des choses difficiles.
En écoutant et en regardant
« Sans merveille », nous avons eu
l'impression que son style compliqué ne servait pas à donner accès
à un sujet difficile, mais bien à
masquer un sujet très simple et
sans véritable originalité, le sujet
d'une nouvelle qui aurait pu paraître dans un hebdomadaire féminin à grand tirage.
Guillaume Hanoteau, Télé 7 jours n°214, 25 avril 1964