Toutes les images sont cliquables pour les obtenir en plus grand.
Alexandre Rignault et Lucien Mancini
Janie Marese et Georges Flamant
Janie Marese et Georges Flamant
Marthe Doryans et Janie Marese
Michel Simon et Magdeleine Berubet
Michel Simon et Roger Gaillard
Pierre Desty et Georges Flamant
Michel Simon Maurice Legrand Janie Marèse Lucienne Pelletier dite « Lulu » Georges Flamant André Jauguin dit « Dédé » Magdeleine Bérubet Adèle Legrand Roger Gaillard l'adjudant Alexis Godard Christian Argentin M. Desrumaux, le juge d'instruction Sylvain Itkine l'avocat de Dédé Marthe Doryans Yvonne, l'amie de Lucienne Romain Bouquet M. Henriot, le patron de la bonneterie Max Dalban Bernard, le collègue de M. Legrand Pierre Desty Gustave, le copain de Dédé Alexandre Rignault Hector Langelarde, le critique d'art Lucien Mancini Wallstein, le marchand de tableaux Jean Gehret M. Dugodet Henri Guisol Amédée, le garçon de café Jane Pierson la concierge Marcel Courmes le colonel
SCENARIO Jean Renoir et André Girard, d'après le roman de Georges de la Fouchardière et André Mouëzy-Eon ; IMAGES Theodor Sparkuhl et Roger Hubert ; DECORS Gabriel Scognamillo ; MONTAGE Paul Fejos et Denise Batcheff-Tual puis Marguerite et Jean Renoir ; SON Marcel Courmes et Joseph de Bretagne ; ASSISTANTS REALISATEURS Pierre Prévert, Pierre Schwab ;
Caissier dans une bonneterie, Maurice Legrand passe ses journées à subir les moqueries de ses collègues et le caractère exécrable de sa mégère d'épouse qui n'a de cesse de le rabaisser. Son seul plaisir : peindre des tableaux qu'il accumule sans jamais ne songer à les vendre ou même à les signer. Une nuit, il s'interpose pour soustraire la jolie Lulu à la mauvaise humeur de son souteneur, le sémillant mais peu affectueux Dédé. Amoureux de la jeune femme, Legrand l'installe dans un meublé qu'il décore de ses toiles. Toujours à court d’argent mais pas d’idées, Dédé montre deux tableaux de Legrand à un galeriste très intéressé…
« C‘est le premier grand film de Renoir, où il affiche son style et son propos. S‘y mêlent un naturalisme d‘époque quasi ethnologique et une distance ironique (…) Peintre des sentiments amoureux, Renoir fonde son propos sur l‘absence de lucidité de chacun, toujours amoureux de qui ne l‘aime pas et aveugle à l‘égard de qui l‘aime. Il porte un regard lucide sur le tragique destin de Legrand, qui va jusqu’au bout de la déchéance dont il est, malgré lui l’instigateur. » - Joel Magny, Dictionnaire mondial des films, Larousse,1991.
« Premier long métrage parlant et premier grand chef-d’œuvre de Renoir. L’intrigue de cette œuvre parfaite baigne dans un naturalisme sordide que Renoir a voulu transformer et transcender par un ensemble d’éléments qui constituent la beauté spécifique du film : 1- le tragique, la présence de la fatalité dans la plupart des épisodes. 2- un humour sardonique qui permet à l‘auteur de régler ses comptes avec « la société » (…). 3- la sobriété géniale de l’interprétation de Michel Simon. L‘invention délirante, la fantaisie, le pittoresque sont ici laissés à l‘extraordinaire Georges Flamant. Avec ce film et avec BOUDU, qui sont comme deux moitiés d’une pomme, Michel Simon se montre sans doute l’acteur le plus complet de l’histoire du cinéma, tour à tour introverti et extraverti, réservé et expansif, lunaire et solaire. Et à la fin de l’histoire, Legrand devient en quelque sorte son contraire et son double, c’est-à-dire Boudu (…) » - Jacques Lourcelles, Dictionnaire du cinéma ; Les films, coll. Bouquins, 1992.
Renoir souhaitait à l’origine que son épouse Catherine Hessling, vedette de LA FILLE DE L’EAU et de NANA, tienne le rôle de Lulu. Mais l’échec commercial de ses deux films avait fait perdre son indépendance au réalisateur qui devait maintenant composer avec les producteurs. Il ne parvint pas à l’imposer à ceux-ci et l’aventure de LA CHIENNE eut raison de leur couple : « Le rôle de la femme y eût convenu superbement à Catherine, mais l‘actrice Janie Marèse était sous contrat avec les Studios de Billancourt et il était normal qu‘ils lui donnent la priorité. (…) Je renonçai donc à Catherine et acceptai Janie Marèse. Cette trahison marqua la fin de notre vie commune. Catherine ne pouvait digérer cette déception. Je lui proposait de me sacrifier et de renoncer à LA CHIENNE. Elle refusa, espérant que j’insisterais. Je n’insistai pas : c’était la fin d’une aventure qui aurait dû se dérouler sous le signe du bonheur. Le cinéma s’avérait être pour nous une divinité féroce. »
Le tournage lui-même prit des allures de psychodrame avant de s’achever tragiquement : « Il se trouva que, envoûtés par leur propre interprétation des rôles, les protagonistes avaient fini par ressentir les sentiments des personnages. Michel Simon, qui jouait le rôle de l’employé de commerce, était vraiment amoureux de Janie Marèse qui, elle-même était tombée dans les bras de Flamant qui jouait le rôle du maquereau. Pour interpréter ce dernier rôle, j’avais choisi un remarquable acteur amateur qui, à force de fréquenter le « milieu », en avait pris le langage et le comportement. Je n’irais pas jusqu’à dire que Flamant maquereautait Janie Marèse, loin de là. Mais il lui avait fait quitter un riche producteur dont l’influence dans les milieux de cinéma et de théâtre eût grandement aidé la carrière de sa maîtresse.(…) Quant au meurtre, il fut remplacé dans la vie par un accident. Flamant, ébloui par la perspective de devenir une « star », s’était acheté une grosse voiture américaine. Il savait à peine conduire. Les prises de vue du film terminées, il emmena Janie Marèse dans sa voiture, eut un accident et la jeune femme fut tuée. Michel Simon ressenti le coup si douloureusement qu’au cours de l’enterrement il s’évanouit. Il fallut le soutenir pendant les quelques pas qu’il fit autour de la tombe. Au cours de ma carrière cinématographique j’ai rencontré bien des acteurs qui vivaient leur rôle, mais aucun d’eux n’a jamais poussé le pirandellisme à ce point. Michel Simon n’était plus lui-même, mais Monsieur Legrand, employé de commerce. Lui seul pouvait réussir une pareille création. » - Jean Renoir, Ma vie et mes films, 1974.