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INSPIRE d'un roman de
Drieu La Rochelle,
« Le Feu follet », film
de Louis Malle, est cependant au plus haut point
un film d'auteur.
Louis Malle, jusqu'alors
jeune metteur en scène
éclectique et fort bien
doué, dont la virtuosité
jetait parfois la poudre
aux yeux, Louis Malle est
véritablement et profondément l'auteur de cette œuvre poignante.
Miroir de l'âme de Drieu
et de Louis Malle, reflétées ensemble, confondues
grâce à une miraculeuse
parenté intellectuelle entre
l'écrivain et le cinéaste,
« Le Feu follet » est le
fruit de secrètes affinités.
Un vieux jeune homme
Le sujet du film, c'est le
suicide, et la seule approche possible pour le voir
c'est, dit Louis Malle, de
savoir, dès le début, que
c'est l'histoire d'un homme
qui va se tuer. Il s'appelle
Alain, il a dépassé la trentaine. C'est un vieux Jeune
homme qui n'en finit pas
de liquider une adolescence trop brillante et trop
choyée. Il a perdu le goût
de vivre et il s'est réfugié
dans l'alcoolisme. Il sort
tout juste d'une cure de
désintoxication, il n'a pas
encore quitté l'abri rassurant de la maison de santé, mais il sait déjà que,
guéri de l'alcool, il ne le
sera jamais de son dégoût
de vivre. En toute logique,
puisque ce qui retient les
autres à l'existence lui parait vain ou méprisable, il
décide de se tuer. Cependant, il veut, une dernière
fois, faire le tour de ses
amis comme s'il guettait
une ultime chance de se
raccrocher. Il ne la trouve
pas et met fin à ses Jours.
Je me tue parce que
vous ne m'avez pas aimé,
parce que je ne vous ai
pas aimés. Je me tue parce que nos rapports furent
lâches, pour resserrer nos
rapports. Je laisserai sur
vous une tache indélébile.
Je sais bien qu'on vit mieux mort que vivant
dans la mémoire de ses
amis.
C'est en 1931 que Drieu,
prenant pour modèle son
ami Jacques Higaut, qui
venait de se suicider, écrivit « Le Feu follet ». Peut-être voulait-il exorciser ce
démon du suicide dont la
fascination, pour lui aussi,
était puissante et à laquelle d'ailleurs il n'échappa
pas, puisqu'il mit fin à ses
jours en 1945. Louis Malle
a déplacé l'histoire dans le
temps. Il l'a rapprochée de
nous et de lui afin de la
servir, semble-t-il, avec
une fidélité plus aiguë,
une vive spontanéité. Si
son héros est un alcoolique et non plus un drogué
comme celui du roman,
c'est que les paradis artificiels ont un peu changé
de monde en trente ans.
Mais le mal de vivre demeure déchirant à crier
tandis que l'on suit Alain,
ce 23 juillet, jusqu'à l'heure qu'il s'est fixée pour
mourir.
La désespérance d'un enfanf du siècle
Ce poème de la désespérance d'un enfant du siècle, le nôtre, Louis Malle
l'a mis en scène avec une
sorte de classicisme discret, insinuant, efficace. Il
a trouvé en Maurice Ronet un interprète idéal. On
savait que Ronet était un
comédien d'une sensibilité
exceptionnelle ; jamais encore il n'avait eu l'occasion de le prouver aussi
magistralement que dans
le rôle d'Alain, qui marquera sûrement une étape
décisive de sa carrière.
D'excellents partenaires
l'entourent et l'aident à
maintenir cette performance, presque douloureuse, d'identification totale à
son personnage.
J'ai particulièrement admiré Jeanne Moreau, Lena
Skerla, Bernard Noël, Tony Taffin et la lumineuse
Alexandra Stewart, mais
tous concourent à la réussite de cette œuvre exemplaire.