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Il y a de fausses bonnes idées. Celle d' « aérer » « Comme il vous plaira », de tourner en décors naturels cette pièce rose de Shakespeare en était une. Certes, elle était tentante et je comprends qu'Agnès Delarive s'y soit laissée prendre et ait voulu sortir des studios poussiéreux des Buttes-Chaumont. Il y avait d'ailleurs un précédent parfaitement réussi, « La Mégère apprivoisée » tournée par Badel en Provence. Mais cette comédie féerique et équivoque a plus qu'une autre besoin des artifices de la scène pour faire passer l'artifice de Rosalinde. Le travesti est essentiellement théâtral.
Peut-être de très belles images nous auraient-elles rendu sensibles à la magie de cette forêt d'Arden. Malheureusement, elles étaient, la plupart du temps, grises et floues. Quant à l'interprétation, je l'ai trouvée très inégale. Maureen Kerwin, malgré sa beauté, ne m'a pas entièrement convaincue dans le rôle écrasant de Rosalinde. Elle a évité le piège de la mièvrerie, mais elle n'avait pas la grâce et la légèreté de l'héroïne du « Grand Will ». Paul Barge, lui, était un merveilleux Orlando, plein de fougue et de passion. Les rôles secondaires, si importants dans Shakespeare, étient parfaitement tenus par Jean-Pierre Aumont, Jean Parédés, Pierre Bertin, François Vibert. Seule la diction de Sacha Pitoeff, dans le très beau personnage de Jacques le Mélancolique, m'a gênée. C'est donc une demi déception. Je n'ai pas retrouvé le charme de cette pièce, dont Jean Anouilh — qui en a fait la traduction — a écrit : « C'est une des plus belles, des plus folles, des plus lumineuses rêveries humaines ».
Georges Hilleret, Télé 7 jours N° 643 du 19 août 1972 page 76