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Pour qu'il joue La Vie de château J.-P. Rappeneau a attendu Philippe Noiret pendant un an
SOLIDE, équilibré, calme par volonté plus que par nature,
Philippe Noiret vient de fêter à Douai, le 1er octobre, son
quarante-cinquième anniversaire. On le sent à l'aise dans sa
peau comme dans ses habits, qui viennent d'un bon faiseur. Son élégance est aussi raffinée que personnelle. Cet anniversaire tombait au
moment où il tournait, en extérieurs, « Les Enfants de Gayant », le
premier film de Jacques Renard, un jeune de trente et un ans, enthousiaste et précis.
Noiret est arrivé
au point de sa carrière où il peut choisir
ses rôles, c'est-à-dire, pour
lui, jouer des personnages intéressants et divers,
avec des metteurs en scène connus ou encore inconnus, mais toujours intéressants. Il vient du théâtre, il a été pendant six
ans l'un des fidèles compagnons de Jean Vilar. C'est
d'ailleurs au T.N.P. qu'il a
rencontré, outre de grands
rôles comme le duc de « Lorenzaccio », Jean Pierre
Darras, avec lequel il a créé
un numéro célèbre à la radio et au cabaret (une autre "bonne école") et Monique Chaumette qu'il a
épousée et qui lui a donné
une fille, Frédérique, âgée
aujourd'hui de quinze ans.
C'est encoro a l'époque du
T. N. P. que le héros
d' "Alexandre le bienheureux" a débuté au cinéma
avec Sylvla Monfort, dans
le film d'Agnès Varda : «La
Pointe courte ».
« La Vte d« château » ne
lui a laissé que de bons souvenirs. C'était en 1965.
après "Zazie dans le métro" (1960). « Les Copains » et quelques autres.
C'était aussi et encore le
premier film d'un nouveau
metteur en scène. « Frédérique avait huit ans. dit-il
avec tendresse. Jean-Paul
Rappeneau était venu me
trouver au théâtre. Je
jouais alors "Photo Finish" de Peter Ustinov. Je
n'étais pas libre cet été-là :
je tournais « Les Copains» avec Yves Robert. Rappeneau m'a dit que ça ne faisait rien, qu'il attendrait le
temps qu'il faudrait. J'ai
cru qu'il bluffait, et puis,
pas du tout, il y a retravaillé un an et puis, on l'a
fait. Je me souviens des dialogues de Daniel Boulanger.
Quelque part, je jurais : « O
myrmidon, misère de grenouille ». C'était un joli
film, un joli rôle aussi. Je
n'avais pratiquement eu,
auparavant, au cinéma, que
des rôles où il fallait « amener sa sauce ». Rappeneau,
qui est un être charmant
mais très inquiet, était, à
l'époque, tout aussi charmant, mais encore plus inquiet. Au début du tournage, il se tenait sous la
caméra et disait toutes les répliques. Au bout d'un certain temps, nous l'avons
prié d'aller un peu plus
loin jouer sa propre version du film... Le tournage
commençait tôt. A Gambais, qui est à quelque cinquante kilomètres de Paris
et que Landru a rendu célèbre, on se levait aux aurores... J'aimerais refaire
un jour un film de ce ton.
Et, oh oui ! j'aimerais retrouver Boulanger. Cela me fait
penser soudain qu'on a obtenu le Prix Delluc avec "La
Vie de château" puis, une
fois encore, avec « L'Horloger de Saint-Paul », le
premier film de Bertrand
Tavernier. C'est à croire
que je suis un spécialiste. »
On l'appelle pour tourner
une scène, puis il revient,
toujours ponctuel, toujours
courtois, impérial, drapé
dans les plis de son macfarlane à carreaux, ridicule
sur tout autre et superbe
sur lui : « J'ai, reprend-il,
adoré tourner avec Marco
Ferreri. avec Monicelli, mais
il y a encore d'autres metteurs en scène avec lesquels
j'aimerais travailler. Principalement des Italiens :
Rosi, Commencini. Travailler en Italie, quel plaisir...»
Monique Chaumette
l'écoute. On devine facilement que leur entente est
aussi forte dans l'exercice
de leur métier que dans la
vie. "J'adore, confirmet-elle, tourner avec Philippe.
Pas seulement parce que
c'est mon mari, mais parce
que nous savons tout de la
réaction de l'autre, de l'autre comédien, et que cette connaissance complice nous
aide. "
"Ce n'est pas dans ma
nature, explique maintenant
Philippe Noiret, de chercher
un scénario, de lire des
livres et de foncer pour en
acheter les droits, de décider. J'aime qu'on me propose, j'aime savoir comment
un metteur en scène me
voit, m'imagine. J'aime me
voir à travers les autres.
Ainsi, je peux décider en
étant "a côté de moimême ". Mes personnages,
généralement avant un
tournage, j'y pense, je les
laisse venir, je vis avec
pendant des mois ; aussi,
« Le
métier
lorsque vient le moment de
tourner. Ils sont un peu
devenus moi. C'est beaucoup plus difficile lorsqu'on
enchaîne directement d'un
film sur l'autre. C'est mon
cas puisque, sitôt finies les
prises de vues des « Enfants de Gayant », J'enchaine sur « Le Juge et
l'Assassin », de Tavernler,
en Ardèche. Il va falloir
"entrer" dans le personnage. Heureusement, la mécanique, le métier jouent...
Il est agréable et enrichissant de travailler avec des
gens différents : des gens
d'expérience et des débutants, qui ont ainsi l'occasion de faire leur premier
film. Je regrette que trop
de mes camarades qui ont
un nom. un renom, un succès hésitent à le faire. »