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Fernandel

1ère partie

 

Ce minot-là a le sens du gag !

Fernand Joseph Désiré Contandin naît le 8 mai 1903, 73 boulevard Chave, dans un petit appartement au-dessus de la boutique d'un droguiste, et bien sûr à Marseille, histoire de se forger un accent qui participera, ô combien, à la légende de Fernandel. Ce mois de mai est éclatant de chaleur, et la cité phocéenne grouille et s'agite comme à l'ordinaire dans des odeurs puissantes de marées, d'aïoli, de fruits mûrs et de soleil. Evidement, et c'est l'avis général, le « pitchoune » pourrait être plus gracieux. Car il n'a rien d'un angelot bouclé, le Fernand. « Boudiou! ". s'exclame sa maman, atterrée, quand elle le découvre. C'est qu'il est « noir comme une esque (un ver utilisé pour la pêche), la bouche plus large que la figure et l'air escagassé d'une sardine coincée dans le Vieux-Port ». De son côté, Marcel, son aîné de quatre ans, se penche, infiniment perplexe, au-dessus du berceau du crapouillard qui, pour l'heure, s'égosille et vire à l'écarlate, en se demandant bien pourquoi papa et maman lui ont tant vanté l'arrivée du petit frère. Parce qu'il ne lui trouve rien de tellement attrayant, au Fernand, il le déplore surtout pétardier. Quoi qu'il en soit, les époux Contandin (qui agrandiront le cercle de famille en 1911 avec une fille, Marguerite, et un troisième garçon, Francis, en 1914) accueillent le minot les bras ouverts et surtout le père qui, vœu secret ou prémonition, verrait bien son deuxième né reprendre le flambeau de sa vocation artistique. Car il y a du Dr Jekyll et Mr Hyde chez Denis Contandin. Modeste et consciencieux employé de bureau tout au long de la semaine parce qu'il faut bien faire bouillir la marmite, il vire histrion le dimanche et, sous le nom de Sined (l'anagramme de son prénom), se métamorphose en fringant chanteur de caf conc.

Sur scène à 5 ans

Si bien que, dès que le petit Fernand est en âge de marcher, Monsieur Contandin le traîne dans les coulisses de théâtre et de music-hall. Il attrape la vocation comme d'autres la scarlatine. Et une vocation précoce, avec ça! La preuve : il a cinq ans quand il débute en petit soldat de la République dans « Marceau ou les enfants de la République ». Léger incident : le bambin se prend les pieds dans l'énorme sabre qu'on lui a noué à la taille et s'étale. La salle en a les larmes aux yeux de rigolade et papa Contandin se rengorge : son cadet, c'est l'évidence, a un sens inné du gag. Dans la foulée, son bonhomme de père l'emmène voir Polin, le comique troupier. «Je le trouvai superbe, irrésistible de drôlerie, racontera plus tard Fernandel. Je ne songeais qu'à l'imiter, je venais d'avoir la révélation de ma nature comique. » Tant et si bien qu'à sept ans, il débute à la Scala de Marseille, en chantant avec application et une parfaite innocence : « Mademoiselle Rose, j'ai un petit objet à vous offrir ». « Dans la salle, c'était du délire, se souviendra l'acteur. Ça m'a flanqué la frousse. Je me suis enfui dans les coulisses en jurant bien de ne plus remettre les pieds sur une scène pour entendre les gens qui se fichaient de moi en répétant : "Qu'il est drôle, le pitchoune, qu'il est drôle...".« Fernand, fais pas ton couillon », morigène papa Contandin en voyant le mouflet détaler. Et, le saisissant, il le renvoie sur scène d'un paternel coup de pied aux fesses. Remède au trac improvisé mais parfaitement efficace : Fernand bisse sa chanson, que la salle reprend en chœur. On est en 1910, il découvre la griserie des bravos et, en même temps, en se scrutant dans une glace, une particularité physique qui fera de lui un phénomène comique : « Lorsque je riais, dira-t-il, on aurait dit un hussard qui aurait avalé son cheval. » En 1913, le voilà qui participe sous le nom de Fernand Sined à un grand concours de chant au Châtelet où il obtient le troisième prix dans la catégorie des benjamins. Nouveau concours l'année suivante. Cette fois, il décroche un alléchant second prix qui comporte une médaille, une palme d'honneur, 25 francs en espèces et surtout un engagement de huit jours à 15 francs par représentation. Chez les Contandin on s'interroge parce qu'il serait quand même raisonnable que Fernand ne délaisse pas l'école pour cause de music-hall. La question ne se posera pas longtemps. L'appel à la mobilisation générale de 1914 place monsieur Contandin sous les drapeaux. Désormais, Fernand est réquisitionné pour aider à nourrir la famille, et il est instamment prié de voler de ses propres ailes. Il ne demande pas mieux. ■ À suivre • • •