Fric-Frac 1939 Maurice Lehmann Fernandel Arletty Michel Simon
L'affiche Scénario Dossier 1 Images Générique Dossier 2 Fernandel Retour site BDFF

De la scène à l'écran

Le film de Maurice Lehmann a d'abord été une pièce d'Edouard Bourdet. Alors que Arletty et Michel Simon créaient les rôles qu'ils allaient reprendre ensuite au cinéma, Victor Boucher jouait, avant Fernandel, le rôle du très naïf Marcel.

En 1936, Arletty et Michel Simon sont à l'affiche des Joies du Capitole au théâtre de l'Étoile. Même si Arletty est l'une des rares à prendre à la blague les sautes d'humeur et les caprices de Simon, ce soir-là tout ne va pas au mieux entre les deux acteurs qui, pourtant, n'en finiront pas au fil des années de se retrouver au théâtre comme au cinéma. Ce soir-là, en effet, après la représentation, Simon a fait main basse sur la recette et s'est enfermé dans sa loge en refusant de verser leur cachet à ses camarades. Si bien que, voyant rouge, Arletty martèle la porte à coups de pieds et de poings tout en accompagnant cet exercice d'échauffement d'un concert de noms d'oiseaux qui laissent de marbre le cher Michel. C'est dans cette ambiance quelque peu échauffée que surgit un homme distingué qui s'approche d'Arletty. « C'était Edouard Bourdet, racontera-t-elle. Je le connaissais de vue. Il était critique à Candide. » Il venait demander à la comédienne si elle accepterait de jouer sa nouvelle pièce, Fric-frac. Comme partenaire, précise-t-il sans savoir qu'il frôle à cet instant un refus net et définitif pour cause d'incompatibilité momentanée d'humeur, il a pensé à... Michel Simon. Ce Fric-frac est une comédie de Boulevard bien dans l'esprit d'une époque où le Milieu (mais un Milieu inoffensif et bon enfant), les voyous et les filles de petite vertu, campés dans la lumière pittoresque chère à Francis Carco et à Pierre Mac Orlan, sont à la mode, où l'argot est en train d'acquérir ses lettres de noblesse, et où le Front Populaire promet des lendemains qui chantent. Pièce ambitieuse malgré tout avec un plateau considérable de vingt-trois comédiens et un trio de têtes d'affiche puisque, aux côtés d'Arletty et de Simon, on trouve le remarquable Victor Boucher même si, à 59 ans, il frise la limite d'âge dans son rôle d'employé naïf et amoureux. Il n'empêche, représentée pour la première fois le 15 octobre 1936 au théâtre de La Michodière, la pièce est un triomphe. « Nous étions en plein Front Populaire, se souvenait Arletty, et je n'ai jamais vu défiler autant de ministres, d'ambassadeurs... Max Dormoy, alors ministre de l'Intérieur, aimait beaucoup la pièce. Il vint souvent me voir...» Il ne sera pas le seul, puisque Fric-frac sera joué 700 fois.■

En musique

Après avoir incarné la chanteuse Linda de Suza dans l'adaptation télé du livre La Valise en carton, la comédienne Souad Amidou reprenait en 1988, au théâtre de La Potinière, le rôle de Loulou dans une version dépoussiérée (par la propre petite-fille de Bourdet) et mise en musique (par le pianiste de Brel) de Fric-frac. Joli souvenir pour la fille d'Amidou, comédien fétiche de Claude Lelouch, même si le succès de cette reprise ne devait en rien être comparable à celui qui salua sa création en 1936. ■

L'argot sans peine

Comme il se doit, Loulou, Jo, P'tit Louis et les autres parlent argot dans Fric-frac. Voici donc un petit glossaire du vocabulaire argotique utilisé par les protagonistes du film.

Affranchir : mettre au courant
Ballon : prison
Battant : cœur
Bavard : avocat
Bob : dé à jouer
Bonnir : raconter
Bourre : policier
Carbure : argent
Carrée : chambre
Cassement ou casse : cambriolage avec effraction
Cave : naïf, dupe
Charre : exagération, bluff
Crocs (avoir les) : avoir faim
Croûter : manger
Dab : patron, père

Doudounes (ou encore : gaillards, roberts, nénés) : seins
Emmouscailler : se retrouver dans les ennuis
Endosses : épaules
Frangine (ou encore : souris) : femme
Fric-frac : vol avec effraction
Jacter : parler
Marcheur : cambrioleur
Oseille : argent
Paire (se faire la) : s'enfuir
Poissé (être) : être arrêté
Popotin : postérieur
Raide (être) : être sans le sou

 

Ces messieurs de la critique

A la sortie du film, la critique fit la fine bouche. « Adaptation de Fric-frac : assassinat. », écrivait Georges Champeaux dans Gringoire. « Une fois de plus, nous avons purement et simplement une pièce de théâtre photographiée, lisait-on dans Candide sous la plume de Jean Fayard. Le cinéma n'a malheureusement apporté aucune contribution personnelle. On rit bien souvent, mais cela est dû au dialogue ou à la verve des acteurs. » Les spectateurs, eux, se ruèrent en foule dans les salles et firent du film de Lehmann un énorme succès. Quelques années plus tard, ce Fric-frac devait devenir un classique grâce à son fantastique trio d'acteurs.