Gina Manès | Naissance : 1893 Décès : 1989 | Partager cette page sur Facebook : | Commentaire |
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1923
Coeur fidèle
1927
Napoléon
1928
Thérèse Raquin
1929
Nuits de princes
1932
La tête d'un homme
1935
Napoléon Bonaparte
1935
Barcarole
1936
Les réprouvés
1936
Mayerling
1938
La maison du maltais
1938
Mollenard
1938
Le récif de corail
1946
Le bateau à soupe
1955
Le secret de soeur Angèle
1956
Paris, Palace Hôtel
1957
Rafles sur la ville
1957
Les amants de demain
1958
Mimi Pinson
1958
Premier mai (Le père et l’enfant)
1958
Le joueur
Gina MANÈS
Fille d’un fabricant de meubles, Blanche Moulin épouse à seize ans un employé de son père pour en divorcer aussitôt. Sous le nom de Gina Manès, elle paraît au music-hall dans les revues de Rip avant qu’un acteur célèbre, René Navarre, frappé par sa beauté, ne l’oriente, en 1916, vers les studios de cinéma. En 1919, le grand Louis Feuillade la dirige dans « L’homme sans visage ».
Après un second rôle remarqué dans « La dame de Monsoreau » (1922), c’est Jean Epstein qui en fait une star en 1923 : dans « L’auberge rouge », d’après Balzac, elle ne tient que le rôle secondaire de la fille des aubergistes assassins mais « Cœur fidèle » magnifie son beau visage expressif. Baptisée « la vamp aux yeux d’émeraude », elle tourne désormais avec les cinéastes français d’avant-garde, Germaine Dulac ou Marcel l’Herbier, mais aussi en Suède sous la direction de Gustav Molander ou en Allemagne avec William Dieterle ou Carmine Gallone. En 1925, sur le tournage de « Naples au baiser de feu », elle tombe amoureuse du jeune premier, Georges Charlia ; le couple vedette se retrouve à l’affiche l’année suivante d’un film d’Alberto Cavalcanti, « Le train sans yeux » : mariage et succès vont de pair. Star incontestable de la fin du muet, Gina Manès entre dans l’histoire du cinéma grâce à Abel Gance qui ne voit qu’elle pour jouer Joséphine de Beauharnais dans son « Napoléon » (1927). Son plus beau rôle sera pourtant celui de « Thérèse Raquin » (1928) où, dirigée par Jacques Feyder, elle enthousiasme la critique qui la considère alors comme « une grande artiste, l’une des meilleures tragédiennes mondiales, un masque, un talent, une sensibilité irremplaçables ». Malheureusement pour sa postérité, il semble que toutes les copies du film ont disparu.
Gina Manès passe sans encombres le cap du parlant : « Une belle garce » en 1930, « Sous le casque de cuir » et « Salto mortale » en 1931 sont des succès. Dans « La tête d’un homme » de Julien Duvivier, elle affronte Harry Baur en Maigret. C’est le moment qu’elle choisit pour tout laisser tomber et partir au Maroc tenir un restaurant avec son mari ! Lorsqu’elle réapparaît deux ans plus tard, les premiers rôles lui échappent. Vouée aux personnages secondaires, elle se fait une spécialité des prénoms exotiques : Bianca, Marinka, Rosita, Florica, Daïnah, Lodovisca... Espionne roumaine ou allemande (« La voie sans disque » en 1933), girl dépravée (« Divine » en 1935), gitane capiteuse (« Mayerling » en 1936), elle nous propose encore des créations marquantes dans « Mollenard » (1937) ou « La maison du Maltais » (1938). Les tentatives pour retrouver la tête d’affiche ne sont guère couronnées de succès, même si les titres de films jouent avec son image de femme fatale (« La mystérieuse lady » ou « Maria de la nuit » en 1936). Petite compensation : elle danse avec Jean Gabin dans « Le récif de corail » (1939). « Le diable en bouteille » (1934) la voit chanter « Moi, je n’dois rien à personne » : forte de ce principe, elle se tourne vers le cirque et présente un numéro de dressage de fauves. En novembre 1942, un tigre la saisit à la tête : victime d’une quarantaine de morsures, Gina devra renoncer à cette nouvelle carrière. Au cinéma, les années 40 ne lui réservent que de rares apparitions comme ce rôle sacrifié dans « Les caves du Majestic » (1944) face au nouveau Maigret, Albert Préjean. Toujours très belle, elle tient la caisse d’un boui-boui des Antilles dans « Le bateau à soupe » (1946) de Maurice Gleize : son nom paraît encore en majuscules au générique mais on la voit deux minutes à peine ; vingt ans plus tôt, elle jouait en vedette « La nuit rouge » (1923) et « La main qui a tué » (1924), les deux premiers films du même réalisateur…
En 1949, séparée de Georges Charlia, elle tente à nouveau l’aventure marocaine, cette fois pour enseigner l’art dramatique mais ses projets font long feu, elle regagne la France en 1954 où la désillusion est rude : à soixante ans, elle n’est plus rien, on ne lui propose que des personnages anonymes, parfois de simples figurations. On l’aperçoit en habilleuse de « La belle Otero » (1954), en paysanne dans « Le vicomte de Bragelonne » (1954), en prostituée dans « Rafles sur la ville » (1957). Méconnaissable sous les châles et foulards de la kiosquière, elle n’a droit qu’à une seule réplique dans « Les amants de demain » (1958). Elle a beau vendre du muguet dans « Premier mai » (1957), cela ne lui porte pas chance ; à l’exception d’un dernier rôle face à Pierre Brasseur dans « Pas de panique » (1964), le bilan de cette décennie est désolant. Toujours courageuse, Gina reprend le chemin du théâtre et s’installe à Toulouse, où elle mourra à 96 ans, soixante ans après son triomphe oublié dans « Thérèse Raquin ».
Belle actrice au parcours chaotique, Gina Manès n’a pas reçu la légion d’honneur mais tout de même cet éloge dithyrambique d’Ado Kyrou qui voyait en elle « la seule actrice à avoir compris l’érotisme cinématographique, la seule grande dame du cinéma français. »
Jean-Paul Briant