Alice Tissot | Naissance : 1890 Décès : 1971 | Partager cette page sur Facebook : | Commentaire |
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1911
Héliogabale, l'orgie romaine
1911
La tare
1921
Les deux gamines
1926
Gribiche
1927
Belphégor
1928
Un chapeau de paille d'Italie
1929
Cagliostro
1931
L'affaire Blaireau
1934
Le billet de mille
1934
Madame Bovary
1934
Compartiment de dames seules
1935
Le contrôleur des wagons-lits
1936
François 1er
1937
Ignace
1937
Ces dames aux chapeaux verts
1939
Bécassine
1944
Le merle blanc
1946
Cyrano de Bergerac
1948
Blanc comme neige
1952
Tambour battant
1956
Si Paris nous était conté
1957
Porte des lilas
1958
En bordée
1958
Le tombeur
1964
De doux dingues
1967
Les créatures du bon dieu : SOS Hamster
1967
Mathilde (Lugarto et Ursule)
Alice TISSOT
Commencer sa carrière en jeune première chez Louis Feuillade et la terminer en rombière chez Mocky, voilà le parcours étonnant d’Alice Tissot, aujourd’hui associée à ses rôles auprès de Fernandel dans « François 1er » et « Ignace ». Ses débuts disent bien l’esprit héroïque des pionniers puisqu’en 1910, alors que le septième art n’a que quinze ans et elle vingt, elle a déjà tourné 150 films ! Il est vrai qu’il s’agit de courts métrages, mais qui lui permettent de détenir le record de 330 titres environ dans sa filmographie.
Elle débute en jouant l’Amour dans « Amour et Psyché » (1908) – plus tard, elle sera Cupidon pour deux films de Léonce Perret ou une nymphe célébrant « Le Printemps » (1909) - ce qui laisse rêveur si l’on songe aux femmes aigries qui seront en fin de parcours sa marque de fabrique. La plupart de ses films muets sont aujourd‘hui invisibles et nous ne pouvons qu’imaginer une Alice juvénile enchaînant les mélodrames – comme « L’orpheline » ou « Le roman de Sœur Louise » en 1908 – les drames historiques – comme « Le collier de la Reine » en 1909 – mais aussi les saynètes drolatiques – comme « Bébé Apache » (1910) avec le futur René Dary. Dans « Judith et Holopherne » (1909), son ami Feuillade qui ne manque pas d’humour lui attribue le principal rôle masculin : après tout, elle a bien incarné Hamlet chez Sarah Bernhardt ! A partir de 1912, elle ne tourne plus que la bagatelle de cinq ou six films par an mais reste fidèle à la firme Gaumont et à son cher Feuillade qui la distribue dans d’étonnants feuilletons mélodramatiques comme « Les deux gamines » (1921) où le personnage de Flora Bénazer, vieille fille persécutant les petites innocentes, va influer la suite de sa carrière.
De fait, la trentaine bien sonnée, son personnage évolue comme le montrent les patronymes dont on l’affuble : Irma Pédoizel, Tumette Chevanton, Cunégonde Pottier ou Madame Ronfledur ne sauraient désigner de jeunes beautés énamourées. Elle sera la triste prof d’anglais de « Gribiche » (1925) de Jacques Feyder ou l’austère cousine à lorgnon d’« Un chapeau de paille d’Italie » (1927) de René Clair et, déjà, l’une de « Ces dames aux chapeaux verts » (1929), pièce qu’elle joua 855 fois sur scène avant de retrouver ce rôle dans la version parlante. La fin du muet lui réserve le cadeau d’un personnage balzacien antipathique, « La cousine Bette » (1927), et une participation au fameux « Cagliostro » (1929) de Richard Oswald.
A l’exception de « Madame Bovary » (1934) de Jean Renoir – elle y apparaît en belle-mère austère - on trouve peu de titres marquants au cours des années 30. Il y a bien Autant-Lara qui « Invite Monsieur à dîner » (1932) mais il ne s’agit que d’une œuvrette sans prétention. Inutile de chercher les classiques de Carné ou Duvivier dans cette pléthore de films alimentaires signés Cammage, Colombier ou Jean Hémard. Le vaudeville très léger constitue l’essentiel du menu, avec beaucoup de niaiseries comme « Et moi j’te dis qu’elle t’a fait d’l’œil ! » (1935) ou « Trois jours de perm » (1936). Dans « La course à la vertu » (1936), elle domine de sa haute taille son époux Théodule joué par le petit Maupi. Restent quelques moments réjouissants : elle se fait séduire par le subtil Victor Boucher dans « La Banque Nemo » (1934) avant d’épouser, chez Christian-Jaque, le gros Pauley dans « La famille Pont-Biquet » (1935) puis le fluet Larquey dans « Compartiment de dames seules » (1934) où son rôle de belle-mère tyrannique est resté célèbre. Elle triomphe en Colonelle Durozier dans le fameux « Ignace » (1937) où elle mène son monde à la baguette, tout en roucoulant avec ce grand fou de Saturnin Fabre. Elle chouchoute Fernandel dans « Le chéri de sa concierge » (1934) et « François 1er » (1937), jouant pour l’occasion le double rôle de Madame Cascaroni et de Dame Alfrédine, la camériste de la Belle Ferronnière.
Directrice à cheval sur le règlement dans « La maternelle » (1933), elle nous amuse de ses airs obséquieux. Les femmes autoritaires, toujours un peu ridicules, conviennent à sa haute taille qui lui permet de tenir tête aux comédiens aguerris : logeuse déplaisante, elle met Raimu à la porte dans « Dernière jeunesse » (1939) et grogne contre l’aimable Larquey dans « L’ange de la nuit » (1942) où Jean-Louis Barrault, sur le mode ironique, la trouve « gracieuse, indulgente, discrète »… depuis qu’il a perdu la vue ! Si elle affectionne les titres de noblesse comme celui de Marquise de Grand-Air, la patronne de « Bécassine » (1939), elle peut tout aussi bien faire l’affaire en duègne pour « Le Capitaine Fracasse » (1942) d’Abel Gance ou le « Cyrano de Bergerac » (1945) joué par Claude Dauphin. Lorgnette vissée à l’œil et bouche en cul de poule, elle assiste, dépitée, au mariage de Darrieux – alias « Chérie » (1945) – avec le prétendant qui a snobé son laideron de fille.
Contrairement à Pauline Carton – qu’elle jalousait pour cette raison, selon cette mauvaise langue de Mocky – elle ne rencontra Sacha Guitry que fugitivement en nièce de Voltaire dans « Si Paris nous était conté » (1955). Dès lors, elle se contenta de camper une vieille fille râleuse houspillant Bourvil dans « Blanc comme neige » (1948), une commère surnommée la Pimbêche dans « La pocharde » (1952), une aristo pincée comme la baronne Flouc de Lavauzelle dans « Jamais deux sans trois » (1951) ou Madame de Saint-Leu dans « La joyeuse prison » (1956). Un léger mieux se dessine lorsqu’elle retrouve René Clair dans « Porte des Lilas » (1956) – elle y est concierge, comme dans « Quai du Pont-du-Jour » (1959) – mais elle échoue aussitôt en directrice de la pension des Tourterelles auprès de « Trois marins en bordée » (1957), un navet signé Couzinet. A l’époque où Jean Le Poulain la met en scène dans « De doux dingues » sur les planches du Théâtre Edouard VII, elle tire joliment sa révérence auprès du Mocky débutant d'« Un couple » (1960) et, de façon plus étonnante, dans « Le jour le plus long » (1961) où Darryl Zanuck lui réserve une apparition en logeuse de Bourvil - comme un hommage à la longévité de cette comédienne émérite à la prolifique carrière.
Jean-Paul Briant