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  • Marguerite Moreno

    Naissance : 1871
    Décès : 1948
     
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    Marguerite Moreno
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    Marguerite MORENO

    « Dans les soucis, le maintien ! Dans la joie, le maintien ! » claironne la directrice de pensionnat de « Jeunes filles en détresse » (1939). Son interprète, Marguerite Moreno, aurait pu en faire sa devise, elle qui sut passer sans broncher de la jeune première éthérée de la Comédie Française à la matrone mûrissante - mi-Thénardier, mi-Folle de Chaillot - dont le cinéma perpétue l’image extravagante.

    Marguerite attrape le virus du théâtre à l’adolescence et s’inscrit au Conservatoire qui lui vaut un premier prix de tragédie et de comédie, aussitôt suivi d’un engagement à la Comédie Française en 1890 où elle subjugue l’auditoire en reine de « Ruy Blas ». Mariée pendant dix ans à l’écrivain Marcel Schwob, elle fascine les poètes symbolistes qui voient en elle une « fée diaphane habillée en impératrice byzantine », bien loin de l’image de « vieux gendarme » - c’est elle qui le dit - qu’elle imposera au cinéma, trente ans plus tard. Remariée à Jean Daragon, jeune premier des années folles, elle quitte la France pour l’Argentine où elle anime un cours de diction pendant cinq ans. Lorsqu’elle revient, à l’orée de la guerre, c’est une femme déjà mûre, au nez un peu fort et au caractère trempé. De nouveaux personnages l’attendent, et Colette, une amie chère, l’aidera à les trouver.
            
    Dans les années 20, le cinéaste Henri Diamant-Berger sollicite la comédienne à six reprises : partenaire de Maurice Chevalier dans deux comédies, Anne d’Autriche vieillissante dans « Vingt ans après » (1922), Moreno n’est guère convaincue par ses prestations cinématographiques. En 1929, elle apparaît en Dame Léonarde dans « Le capitaine Fracasse » mais c’est le parlant qui donne un coup d’accélérateur spectaculaire à sa filmographie : engagée par les studios Paramount de Joinville, elle tourne une trentaine de films en quatre ans, dont bon nombre de courts métrages et de scénarios à court d’idées. Beaucoup regrettent alors le temps où elle servait les grands auteurs mais le public la plébiscite : à soixante ans, elle devient une vedette populaire comme on le voit sur l’affiche de « Paris la nuit » (1930) où elle mène la danse en entremetteuse obligeante nommée Madame Zouzou. Qu’elle joue « Ces dames aux chapeaux verts » (1936) ou « Ma tante dictateur » (1939), son art de la composition, son autorité, son humour sont salués par la critique. Pour les producteurs de « Tout va très bien, Madame la Marquise » (1936), une chanson de Ray Ventura et le visage de Moreno en gros plan sur l’affiche, voilà le secret du succès !

    En 1933, Raymond Bernard prépare « Les Misérables » et lui offre enfin un très grand rôle : mégère terrorisant la petite Cosette ou éclatant d’un rire diabolique, hirsute et vulgaire à souhait, elle est extraordinaire ; avec Charles Dullin, ils composent les meilleurs Thénardier de l’histoire du cinéma. Pour Raymond Bernard, elle se fendra encore d’une belle caricature de douairière cupide dans « Le coupable » (1936). Dans toutes ses apparitions, le goût du jeu, des déguisements et des accents s’imposera, qu’elle débite avec l’accent anglais les alexandrins de Sacha Guitry dans « Le mot de Cambronne » (1937) ou retrouve ses racines espagnoles dans « « Ils étaient neuf célibataires » (1939) mais elle sera tout aussi bien américaine dans « La chaleur du sein » (1938), comtesse ou générale russes dans « La dame de pique » (1937) et « L’idiot » (1945), sans parler d’une Junon de music-hall dans « Les dieux s’amusent » (1935). Dans « La route enchantée » (1938), elle joue une comtesse bien allumée qui croit vivre toujours au Moyen-Age et engage Charles Trénet comme troubadour. Marcel Pagnol lui réserve le rôle décisif de la Mamèche dans « Regain » (1938) : vieille paysanne venue du Piémont, elle se sacrifie pour faire revivre Aubignane. Elle semble apprécier tout spécialement les gitanes et cartomanciennes, et ce dès « Madame Salamandre, voyante » (1932). Auprès de Viviane Romance, elle a sa place dans « Carmen » (1943), après avoir incarné la reine des gitans dans « Le camion blanc » (1942) : toute de noir vêtue, elle accompagne la momie de son époux sur les routes de France, un sourire énigmatique aux lèvres. Femme d’esprit, son humour ravageur pouvait s’exercer aussi à ses propres dépens. A un cinéaste qui lui lance : « Fais attention, Moreno, tu es jolie ! », elle répond : « Excuse-moi, vieux, j’étais distraite ! » Moreno ne se formalise pas des répliques désobligeantes sur son physique, comme lorsque Fernandel, dans « Barnabé » (1939), s’écrie en l’apercevant : « Oh, le vieux tableau ! » Dès « Le sexe faible » (1933), le ton était donné : comtesse amatrice de chair fraîche, elle prétend avoir tout au plus 38 ans, alors qu’elle en a 62.

    Une amitié orageuse la lie à Sacha Guitry qui lui réserve de beaux personnages, sur scène comme à l’écran. Dans « Le roman d’un tricheur » (1936), Moreno hérite d’un rôle d’aventurière et de la seule scène dialoguée d’un film. On l’aperçoit dans le prologue de « Faisons un rêve » (1936) et dans « Les perles de la couronne » (1937) pour le double rôle de Catherine de Médicis (Moreno version mégère) et de l’impératrice Eugénie vieillissante (Moreno version tendre). « L’accroche-cœur » (1938), réalisé par Pierre Caron sur un scénario de Guitry, la montre, étonnante de naturel, dans un rôle de joueuse impénitente. Dans « Donne-moi tes yeux » (1943), elle sera la douce grand-mère de Geneviève Guitry. N’oublions pas sa meilleure prestation sous la direction du « Maître », dans « Ils étaient neuf célibataires » : sud-américaine originaire de la « Republica de Los Pajaritos », elle épouse avec enthousiasme, pour devenir française, l’extravagant Max Dearly.

    A 70 ans, Marguerite Moreno pourrait mettre fin à une prestigieuse carrière d’un demi-siècle, d’autant qu’elle possède un havre de paix idéal à Touzac, dans le Lot, « La source bleue ». Elle ne le sait pas encore mais ses meilleurs rôles au théâtre et au cinéma l’attendent. En 1943, « Douce » de Claude Autant-Lara nous la présente en comtesse de Bonafé, dame patronnesse méprisante et grand-mère de l’héroïne ; deux scènes sont dans toutes les mémoires : la visite aux pauvres, à qui elle « souhaite la patience et la résignation » et la scène finale où elle maudit Madeleine Robinson et Roger Pigaut pendant que retentit ironiquement un chant de Noël. En 1946, tante à héritage de l’excellent film de Christian-Jaque, « Un revenant », elle se réjouit que Louis Jouvet jette le trouble dans sa « famille de cloportes ». La scène où les deux monstres sacrés se rencontrent est d’autant plus forte que Jouvet ne peut en placer une, et sourit, subjugué par la verve de son amie. Il faut dire qu’ils viennent de créer ensemble au Théâtre de l’Athénée l’ultime pièce de Jean Giraudoux, écrite tout spécialement pour elle : extraordinairement maquillée et costumée, Moreno connaît un triomphe dans « La folle de Chaillot ». Avant que la mort ne lui fasse signe, elle joue encore L’Araignée, chef d’une bande de contrebandiers dans « Chemins sans lois » (1946) ou la roublarde Mémée Renaud de « L’assassin est à l’écoute » (1948) et surtout la concierge de l’au-delà dans « Les jeux sont faits » (1947) écrit par Jean-Paul Sartre. Un sacré parcours !  

    Jean-Paul Briant

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