Mady Berry | Naissance : 1887 Décès : 1965 | Partager cette page sur Facebook : | Commentaire |
|

1931
Les cinq gentlemen maudits
1932
Les gaietés de l'escadron
1933
Don Quichotte
1934
Le paquebot Tenacity
1936
Rigolboche
1936
La terre qui meurt
1937
Rendez-vous Champs-Elysées
1937
Ces dames aux chapeaux verts
1938
Les cinq sous de Lavarède
1938
Les otages
1939
Sans lendemain
1939
Le jour se lève
1944
Félicie Nanteuil
1945
Etoile sans lumière
1948
Clochemerle
1949
L'inconnue N° 13
1950
Vendetta en Camargue
1952
Agence matrimoniale
1956
Ivanov
1957
En votre âm...
L'affaire La...
1960
Les trois soeurs
Mady BERRY
Fille d’un photographe installé à Berck, cette « bonne grosse fille » - ainsi qu’elle se définit elle-même – s’enthousiasme dès l’enfance pour le théâtre. Son parrain, ami du comédien Lugné-Poe, lui fait découvrir le monde magique auquel elle consacrera sa vie. En 1910, elle épouse le comédien Marcel Millet, débutant ainsi une carrière de « Cinquante ans sur les planches » - c’est le titre de son autobiographie. Le sous-titre « Mémoires d’une servante » souligne à quel point elle sera une « bonne et loyale ouvrière du théâtre » mais il dit surtout son emploi favori. Bien sûr, elle jouera aussi Agrippine dans « Britannicus » ou Catherine de Médicis dans « Margot » avec Yvonne Printemps et Pierre Fresnay sans parler d’une collaboration enthousiaste avec Georges Pitoëff pour « Le canard sauvage » d’Ibsen ou « Ce soir on improvise » de Pirandello.
Elle tournera près de 80 films, souvent plantée devant ses fourneaux ou installée dans une loge de concierge. Si son livre de mémoires n’en parle guère, c’est sans doute que les noms d’Antoine, de Dullin, de Pitoëff sonnent mieux que ceux de la plupart des réalisateurs qui l’ont dirigée mais on aurait apprécié qu’elle croque avec sa franchise coutumière Pabst ou Siodmak, Ophuls ou Carné. Dans « Tout ça ne vaut pas l’amour » (1931) du jeune Jacques Tourneur, elle est la mère de Jean Gabin et s’enflamme pour Marcel Lévesque : lorsqu’elle lui fait sa déclaration, il s’enfuit à toutes jambes ! La même année, « Le rosier de Madame Husson » (1931) lui donne un rejeton bien benêt interprété par Fernandel. Dans « Les gaietés de l’escadron » (1932), Madame Bijou, solide cantinière, tient la dragée haute au Capitaine Turluret (Raimu !), son amour de jeunesse. « Don Quichotte » (1932) en fait la truculente compagne de Sancho Pança. Très vite, elle sera populaire comme le montrent les affiches de films où son nom paraît souvent en gros caractères, et même parfois au-dessus du titre comme pour « Les surprises de la radio » (1939) où elle entraîne sa petite famille à la découverte de la capitale.
Affectueuse matrone, elle soutient Madeleine Renaud dans « La maternelle » (1932) de Benoît-Lévy qui réclame de nouveau ses bons offices pour « La mort du cygne » (1937). « Le paquebot Tenacity » (1934) de Duvivier la présente en aimable tenancière d’un hôtel du Havre. Dans l’excellent « Pièges » (1939), cuisinière émérite nommée Sidonie Le Guellec, elle remporte, au grand désarroi de Milly Mathis, le titre de cordon bleu pour sa bécasse farcie et, en prime, le droit de valser avec Maurice Chevalier. Nounou fidèle, elle s’occupe du petit garçon de Mistinguett dans « Rigolboche » (1936) comme elle prendra soin, habilleuse attentionnée, de Micheline Presle alias « Félicie Nanteuil » (1942). Sa fibre maternelle vibre tout autant pour ce grand filou de Jules Berry dans l’amusant « Arsène Lupin détective » (1937). Toutefois, le mariage avec Charles Granval ne lui réussit guère : alors que dans « Blanchette » (1936), leur fille sombre dans la prostitution, « Le chemin de Rio » (1936) la montre en bourgeoise égoïste profitant des deniers de son époux, chef d’un réseau de traite des blanches…
Si les chefs d’œuvre ne sont pas légion dans sa filmographie bourrative, deux rôles chez Carné semblent couronner sa carrière : dans « Le jour se lève » (1939), concierge volubile, elle s’apitoie sur le sort dramatique de Gabin, son locataire ; dans « Les portes de la nuit » (1946), sous le plaisant pseudonyme de Madame Quinquina, elle donne à Carette une ribambelle d’enfants et, langue bien pendue, n’hésite pas à dire ses quatre vérités au vieux collabo joué par Saturnin Fabre. C’est l’époque où elle hérite de rôles de commère comme la Mère Brodequin de « Clochemerle » (1947). Elle n’a qu’une scène au dénouement de « La Dame d'onze heures » (1947), où elle accable d’invectives l’assassin de sa fille, avec un jeu un peu outré auquel elle ne nous a pas habitués ; on la retrouve dans deux autres Devaivre, « Vendetta en Camargue » (1949) où elle s’esclaffe sans cesse en défendant son mas contre les gitans et « Un caprice de Caroline chérie » (1952) où elle campe une gouailleuse Marquise de Mortelone. Elle jouera encore la bonne de Pierre Fresnay dans « Les œufs de l’autruche » (1957) puis, visiblement fatiguée, participe en direct à « L’affaire Lafarge » (1957), une des premières dramatiques d’« En votre âme et conscience » : dans le rôle de la mère de la victime, elle propose un jeu d'une profondeur exceptionnelle où les hésitations, le regard, la voix, tous les instruments du comédien sont utilisés avec une sobriété remarquable.
« Soucieuse de justice sociale et de solidarité professionnelle » - selon les mots d’Edwige Feuillère qui écrivit la préface de ses souvenirs - cette comédienne cultivée milita activement au Syndicat des Artistes interprètes.
Jean-Paul Briant