Charles Granval | Naissance : 1882 Décès : 1943 | Partager cette page sur Facebook : | Commentaire |
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1932
Boudu sauvé des eaux
1935
La bandera
1935
Golgotha
1936
Pépé le moko
1936
La belle équipe
1937
L'homme du jour
1939
La fin du jour
1941
Premier bal
1942
Monsieur La Souris
1942
La femme que j'ai le plus aimée
1942
Pontcarral, colonel d'empire
1942
Le bienfaiteur
Charles GRANVAL
Avec un père administrateur du Français et une mère chanteuse lyrique, Charles Granval pouvait difficilement échapper à une carrière artistique. En toute logique, il entre en 1904 à la Comédie Française pour y rester près de quarante ans. « Don Quichotte » ou « Hernani » en 1906, « Monsieur de Pourceaugnac » ou « Vautrin » en 1922 seront quelques étapes importantes d’un parcours remarquable. Si son Tartuffe « glouton et lubrique » choque les puristes, c’est aussi un metteur en scène réputé : sa version d’« A quoi rêvent les jeunes filles » frappe par sa modernité le jeune Jean-Louis Barrault. Professeur au Conservatoire, il épouse sa brillante élève Madeleine Renaud qui lui témoignera toujours sa reconnaissance. Même séparés, ils vivront en bonne intelligence, Granval devenant l’ami de Pierre Bertin et Barrault, ses « successeurs », au point que les commentateurs de l'époque disaient qu’au Français « la guerre des trois » n'avait pas eu lieu !
Il débute à l’écran dans « Le traitement du hoquet » (1917) de Raymond Bernard mais ne tourne que quatre films muets : le théâtre lui importe davantage. Avec la cinquantaine, vient le rôle mémorable que lui propose Jean Renoir dans « Boudu sauvé des eaux » (1931) car son embonpoint bonhomme convient parfaitement à Monsieur Lestingois, libraire épicurien qui lutine sa bonne mais se fâche lorsque Boudu crache dans Balzac ; le prologue montre le prestigieux comédien en faune lubrique coursant les nymphes dans un sous-bois de carton-pâte ! Sur le moment, le film ne rencontre pas le succès : Granval reste sur les planches en attendant Julien Duvivier dont il devient l’indispensable comparse au mitan des années 30. Dans quatre films successifs où il croise Jean Gabin, il revêt d’abord le costume du fourbe Caïphe de « Golgotha » (1935) et l’apparence louche du Ségovien de « La Bandera » (1935) ; hôtelier rabat-joie de « La Belle Equipe » (1936), il se fait traiter de « pignouf » par un Gabin en verve mais c’est dans « Pépé le Moko » (1937) qu’on le remarque surtout : protecteur très riche de la belle Mireille Balin, il est trop âgé et ventripotent pour la retenir lorsque Pépé se pointe. Duvivier fera de nouveau appel à lui pour « La fin du jour » (1939) où, en deux répliques, il traduit la détresse d’un vieux comédien abandonné à l’asile.
La paupière lourde et la lippe boudeuse, il a la bonhomie matoise qui convient pour camper un aimable clochard dans « Les amants terribles » (1936), l’encombrant « cousin » de « L’homme de nulle part » (1936) ou le bistrot qui ne perd pas le sens des affaires même lorsque sa fille, « Blanchette » (1936), tourne mal. Mais ce père bougon, que la conduite d’un fils irresponsable irrite au plus haut point dans « La femme que j’ai le plus aimée » (1942), peut être nettement plus inquiétant : « Le chemin de Rio » (1936) lui offre ainsi une de ses créations les plus notables car le bon papa qui couve sa fille s’avère en réalité l’épouvantable organisateur de la traite des blanches. Moins effrayant en apparence, le jovial philatéliste de « Monsieur La Souris » (1942) est tout de même un criminel dont Raimu saura démasquer la prétendue gentillesse...
Son autorité est telle qu’il peut sans problème se coltiner aux monstres sacrés de la trempe d’Harry Baur – alias « Sarati le Terrible » (1937) – ou se lier d’amitié avec Raimu dans « Le bienfaiteur » (1942), film où il ajoute à sa palette un bel accent du terroir. Aveugle clairvoyant de « La nuit fantastique » (1942), il aide Fernand Gravey à retrouver la femme de ses rêves. Il est aussi crédible en déclassé qu’en Vidame de Pamiers dans « La Duchesse de Langeais » (1941) ou M. de Lormel dans « Premier Bal » (1941). Jérôme, maître d’hôtel et ami de « L’honorable Catherine » (1942), reste une de ses meilleures prestations comme son interprétation de l’armateur Morel, ruiné par le naufrage du Pharaon mais sauvé in extremis par « Le Comte de Monte Cristo » (1942) pour avoir veillé sur le Père Dantès.
Alors qu’il revient en force au cinéma au début de l’Occupation - tournant six films en 1942 – ce comédien sensible à l’avant-garde incarne pour son dernier rôle un suppôt de l’Ancien-Régime, le Marquis de Ronsac, dans « Pontcarral, colonel d’Empire » (1942). Il devait disparaître peu après, âgé de soixante ans seulement. Il est le père du comédien Jean-Pierre Granval, né de son union avec Madeleine Renaud. Séparés « à l’amiable », Granval et Renaud resteront liés au point que, lorsqu’il voulut épouser Madeleine, Barrault écrivit à Granval pour lui demander la main de son ex-femme !
Jean-Paul Briant