Claude Dauphin | Naissance : 1903 Décès : 1978 | Partager cette page sur Facebook : | Commentaire |
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1934
Le billet de mille
1934
Dédé
1936
Faisons un rêve
1937
Battement de coeur
1937
La fessée
1937
Les perles de la couronne
1938
Entrée des artistes
1939
Le monde tremblera
1939
Cavalcade d'amour
1940
Paris-New York
1942
Les petits riens
1944
Félicie Nanteuil
1945
La femme coupée en morceaux
1946
Tombé du ciel
1946
Cyrano de Bergerac
1948
Le bal des pompiers
1951
Casque d'or
1952
Le plaisir
1953
Week-end à Paris
1954
Les clandestines
1959
Pourquoi viens-tu si tard ?
1961
Revue
1962
Le diable et les dix commandements
1963
Symphonie pour un massacre
1963
La bonne soupe
1964
Compartiment tueurs
1965
Lady L
1966
Paris Brûle-t'il ?
1966
Un beau dimanche
1966
La naissance de l’empire romain : Troisi...
1967
Malican pèr...
L'enfant pro...
1967
Malican pèr...
Mise en scène
1967
Malican pèr...
Le tir aux p...
1967
Malican pèr...
Escroquerie
1967
Lamiel
1967
Malican pèr...
Cache-cache
1967
Malican pèr...
Le petit jar...
1967
Malican pèr...
Coup de foudre
1967
Malican pèr...
La mort de P...
1967
Malican pèr...
Danger de mort
1967
Malican pèr...
Les trois vo...
1968
Barbarella
1972
La plus belle soirée de ma vie
1972
Au rendez-vous de la mort joyeuse
1972
Églantine
1973
Vogue la galère
1974
Candida
1975
L'important c'est d'aimer
1976
Le locataire
1976
On croit réver
1976
Mado
1977
La vie devant soi
1977
Le point de mire
1978
Ce diable d...
Contrebandie...
1978
Ce diable d...
Mourir à Par...
1978
C'est arrivé à Paris
1978
Le pion
1978
Ce diable d...
Emilie contr...
1978
Le petit théâtre du dimanche : La lacune...
1978
Ce diable d...
Le scandale ...
1978
Ce diable d...
Les orages d...
1978
Ce diable d...
Le supplicié...
1978
Messieurs les ronds-de-cuir
Décembre 1978.
AVEC un goût très sûr, hérité d'une famille de qualité et affiné pendant un demi-siècle auprès des théâtreuses de Paris, de Londres. de Broadway. Claude Dauphin a su parfaitement choisir l'âge, le jour, l'heure et le lieu qui conviennent à la mort d'un comédien. Il avait 75 ans. Il était encore dans la fièvre des répétitions. Se sentant fatigué, il regagna son cinquième étage de la rue Royale, dans cette paroisse raffinée de la Madeleine où il était né et où devaient être célébrées ses obsèques. En vérité, il était né de l'autre côté de la rue adjacente, la rue du Faubourg Saint- Honoré. « J'aurais mis tout une vie, disait-il, à emprunter le passage clouté. » Il était né cadet de l'illustre Jaboune, fils de l'exquis Franc Nohain, et c'est pourquoi il avait choisi de s'appeler discrètement Dauphin. Donc, c'était un dimanche soir et, comme il se sentait mal, son ami Pierre Louis appela l'ambulance. Dernière balade sous les halos des lampadaires. On devait le conduire à Henri-Mondor. Il eut juste le temps de traverser la Seine. C'était cette heure enchantée où les trois coups n'en finissent pas de retentir sur toutes les scènes de Paris, et dont Sacha Guitry disait, en regardant les passants se presser sur les trottoirs : « Mon Dieu ! Ils vont être en retard. » Comme si tout le monde à Paris n'avait qu'une pensée en tête : le théâtre. En vérité, dans la famille Nohain, la vie n'avait pas d'autre but : ajouter quelques répliques bienvenues à Molière, à Beaumarchais et à Labiche, trouver les femmes adorables, jouer aux bouts rimes, perdre un peu à Auteuil, se retrouver chez Maxim's.
Sous les ordres de Gémier
Franc Nohain et ses fils servaient, avec désinvolture, une noble cause, à la fois cocardière, cavalière et pétillante, qui s'appelle l'esprit parisien. On se doit d'être un peu Titi, un peu dandy, un peu sans-culotte. Il arriva à Dauphin une aventure étrange. Ses cinquante ans de vie théâtrale chevauchaient à peu près le milieu du vingtième siècle, vingt- cinq ans avant, vingt-cinq ans après. Avant, c'était encore le Paris des poètes, le temps décrié d'Alfred Savoir, de la Guerre de Troie, de la Machine infernale, de Georges Neveux et de Marcel Aymé. Il était alors de bon ton d'aimer le music- hall, la Miss, le Boulevard. Il fallait en passer par Bernstein. « On n'y va pas pour voir la pièce, disait-on, mais pour apprendre à déboucher une bouteille de Champagne. » C'était un peu le savoir-vivre de l'adultère. Dauphin avait appris le métier dans une espèce de monastère vériste, sous les ordres de Gémier. Malgré les répugnances paternelles, il avait fait ses débuts dans « Le Chapeau chinois », de Franc Nohain. "Je monterai la pièce, avait dit Gémier à papa, si c'est ton fils qui la joue. " Chez Bernstein, ensuite. Dauphin incarna l'insolence et la grâce de la nouvelle génération auprès du vieux couple déchiré Victor Francen-Gaby Morlay. Alors, se produisirent les événements que l'on sait, la guerre, la défaite, la Résistance, le Débarquement. Les petits Nohain furent naturellement parfaits. Ils avaient quitté leur vieille paroisse occupée par la Wehrmacht et n'y revinrent qu'avec les chars de Leclerc. Ils avaient su tous les deux être dignes de Gavroche.
Un extraordinaire Shylock
Mais, pendant que Jaboune allumait les « 36 Chandelles » de la télévision, Dauphin se sentait devenir fossile. Ses nombreux mariages avaient cessé de le distraire. Il fallait prendre, au-delà de l'an 50, la nouvelle pente du siècle. II comprit très vite : au temps de poètes, avait succédé le temps des cuistres. Les gommes du nouveau roman effaçaient soigneusement les noms de Costeau, Giraudoux, Marcel Aymé. Comme l'a écrit sans rire le quotidien compassé qui fait désormais autorité : « On passait de la comédie bourgeoise au drame social. » Dauphin traduisit très vite qu'il fallait désormais jouer en banlieue. Le Théâtre de la Commune à Aubervilliers lui décerna le nouveau passeport, dont il riait sous cape. « Je me suis reconverti dans les rôles de vieux juifs », disait-il avec un sourire amusé et, pour le prouver, il fut un extraordinaire Shylock dans « Le Marchand de Venise ». Il eut même l'honneur suprême d'interpréter la grande prêtresse Marguerite Duras (je vous demande pardon, Marguerite, ce n'est pas ma faute si vous êtes devenue une case obligatoire du jeu de l'oie). La télévision allait tout arranger, Dauphin y fut superbement le héros de sa famille et de sa vie, un vieux Voltaire sarcastique et bonhomme. Il avait remarqué avec beaucoup de lucidité : « En huit minutes de petit écran, j'ai plus de spectateurs que pendant toute ma vie de théâtre. » C'est pourquoi la télévision porte son deuil. Aujourd'hui, on ne dit plus « Untel de la Comédie-Française » mais « Untel de la Télévision française ». Et Dauphin restera Voltaire. Car, à la télévision, on ne dit pas adieu, mais au revoir. Il n'y a plus de rivière sans retour, puisqu'elle peut revenir, écumante, bouillonnante, nous emporter encore sur le radeau sublime. Et que nous pouvons encore deviner, à travers la couverture, le corps mouillé plus vi vant, plus frétillant que jamais, de l'immortelle Marilyn. Nous reverrons bientôt Dauphin, et son sourire frippé et tendre.