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  • Saturnin Fabre

    Naissance : 1884
    Décès : 1961
     
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    Saturnin Fabre
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    Saturnin FABRE
     
    « Dans la profession, on le considérait comme un fou, mais un fou qui avait incontestablement du génie. » Ces mots de François Périer disent bien la place toute particulière de l’extravagant Saturnin Fabre dans le cinéma français des années 30 et 40. Sa haute taille, sa voix grave et sa diction inattendue en ont fait une vedette très populaire dont les répliques devinrent culte à l’instar du fameux « Tiens ta bougie… droite ! » répété à l’envi au timide Bernard Blier de « Marie-Martine » (1942). Pourtant, dans son hilarante autobiographie, « Douche écossaise » (1948) - signée de l’anagramme Ninrutas Erbaf - Saturnin Fabre ne nous invite guère à prendre au sérieux sa carrière au cinéma : à l’en croire, il a tourné Ma cousine de Varsovie « pour le fisc insolent », Les dégourdis de la Onzième « pour récupération de ses chèques sans provision », Tricoche et Cacolet « pour ses œuvres », Cavalcade d’amour « pour sa retraite », Lunégarde « pour son pillage par les cambrioleurs allemands » et Clochemerle « pour les escroqueries futures » ! Le ton persifleur n’a rien d’étonnant chez celui qui, dès ses débuts au théâtre, adoptait, lorsque la pièce ne lui convenait pas, le pseudo loufoque de Jean Naimard ou Sam Court…   

    Si l’occasion s’en présentait, notre ami savait toutefois reconnaître le talent d’un réalisateur ou d’un comédien. Ainsi, lorsqu’il tourne « Les otages » (1939), où il tient le rôle important de M. Rossignol, le vaillant châtelain du film, il se fend d’une appréciation élogieuse sur son metteur en scène et ses partenaires : « le fin et subtil cinéaste Raymond Bernard, les bien regrettés Dorville et Charpin, l’aimé Pierre Larquey, les excellents camarades Annie Vernay, Labry, Roquevert…» Pas mal pour un misanthrope auto-proclamé ! Comme les partenaires haut de gamme ne se refusent pas, il tournera plusieurs fois avec Elvire Popesco – leur mariage est explosif dans « Tricoche et Cacolet » (1937) – mais aussi avec Michel Simon qui l’initie à l’argot dans « Belle Etoile » (1938). Face à Raimu qu’il aime et admire, il livre une séquence d’anthologie dans « Vous n’avez rien à déclarer ? » (1936) où la rencontre des deux savants farfelus est irrésistible.

    Dans les œuvres très légères destinées à promouvoir Fernandel, il anime volontiers des silhouettes absurdes et cocasses d’homme important et ridicule : inspecteur sourcilleux des armées dans « Les dégourdis de la Onzième » (1937), Baron des Orfraies dans « Ignace » (1937) où Nita Raya l’appelle « Chouchouille », il campe Monsieur Van Der Pouf dans « Tricoche et Cacolet » (1937) avant de disputer avec Colette Darfeuil – tous deux en maillot de bain dans la baignoire - une bataille navale de canards en plastique pour « Le club des soupirants » (1941). Dans « L’ennemi public n°1 » (1953), il se présentera comme « le meilleur avocat de New York : WW… Stone ! », qui jubile à l’idée d’expédier son client sur la chaise électrique. Plus sérieusement, il suit Jean Gabin dans la Casbah pour « Pépé le Moko » (1936) : le rôle de Grand-Père, le receleur, reste une silhouette inoubliable, drôle et inquiétante. Robinson à la barbe fleurie égaré sur un atoll polynésien dans « Le récif de corail » (1938), il retient surtout du tournage qu’il n’obtint que le troisième prix lors d’un concours improvisé des plus beaux pieds remporté par Gabin ! Ils devaient se retrouver après guerre dans « Les portes de la nuit » (1946) : le destin, et Marlène, en décidèrent autrement mais, en collabo enrichi par le marché noir, surnommé ironiquement « l’Ami Fritz » par ses voisins, Saturnin donne une de ses meilleures prestations. Sur le tournage, n’en faisant qu’à sa tête, il déstabilise sans vergogne sa jeune partenaire, Nathalie Nattier.

    Un comédien de 54 ans qui se blesse en faisant du toboggan dans un square lors d’un tournage – celui de « Monsieur Brotonneau » (1939) – voilà de quoi passer aux yeux des « professionnels de la profession » pour un allumé de première : il faut dire que les rôles d’escrocs farfelus, de fêlés et de fous lui conviennent tout particulièrement. Lorsqu’il campe une canaille, sa faconde de matamore la rend toujours sympathique malgré tout. Monsieur Aristide, dans « Battement de cœur » (1939), est le directeur sourcilleux d’une école de pickpockets ; lors d’une scène où il doit gifler Danielle Darrieux, l’impressionnant Saturnin terrorise la comédienne en précisant qu’il ne fera pas semblant. Le Professeur Thalès de « La nuit fantastique » (1942) n’est pas en reste : margoulin douteux qui se prétend le père de Micheline Presle, histoire de lui voler son héritage, il n’est en vérité qu’un magicien de pacotille. Au premier rang des joyeux cinglés de sa collection, trône Letondu dans « Messieurs les ronds-de-cuir » (1936) : bureaucrate foldingue jouant du cor de chasse dans les couloirs du ministère, il fit beaucoup rire Arletty qui appréciait ce « numéro insensé ». Dans un morne mélo signé Abel Gance, « Le roman d’un jeune homme pauvre » (1935), il parvient malgré tout à nous faire rire, grimé en chef gaulois vêtu d’une peau de léopard. Ayant superbement prouvé dans « Désiré » (1936) qu’un homme du monde peut être un fieffé goujat, il reprend du service chez Sacha Guitry pour « Ils étaient neuf célibataires » (1939) : Adhémar Colombinet de La Jonchère est un aristo ruiné marié sans le savoir à une mère maquerelle ; lorsqu’il débarque dans la « maison » de sa chère et tendre, il se réjouit en toute innocence de devenir le père de tant de belles jeunes filles.

    Après-guerre, il cumule les apparitions loufoques : savant farfelu d’« On demande un ménage » (1946), génie prisonnier d’un vase et décidé à réaliser les vœux du banquier Jules Berry dans « Si jeunesse savait » (1947), on se souvient surtout d’« Un ami viendra ce soir » (1945) où il passe tout le film torse nu et l’éventail à la main : il est vrai que l’action se déroule dans un asile mais, lorsqu’il en joue le directeur, comme dans « Carnaval » (1953), il ne paraît pas moins atteint que ses patients… A cette époque, son caractère semble devenir plus ombrageux : ainsi, sur le tournage de « Miquette et sa mère » (1949) où il campe une « ganache tragique », le Marquis de la Tour-Mirande, il n’apprécie guère les méthodes de Clouzot et le fait savoir. Cela se passe mieux avec Gilles Grangier qui, dans « Les petites Cardinal » (1950), lui permet de retrouver le personnage qu’il a créé sur les planches, un bourgeois parvenu, soucieux de bien marier ses filles pour mieux servir ses intérêts, enfin un rôle principal ! Il donnera  encore de la voix en Général Petypon du Grêlé dans « La dame de chez Maxim’s » (1950) ou en vieil éméché trinquant avec Dany Robin, histoire de faire « La fête à Henriette » (1952). C’est sur un air de clarinette que l’ami Saturnin quitte l’écran : accompagné à la contrebasse par Yves Robert, il joue le bourreau mélomane d’« Escalier de service » (1954) de Carlo Rim. Il se retire alors dans sa maison de Montgeron pour s’occuper de son épouse, paralysée depuis de longues années. Toujours amateur d’humour noir, alors qu’il habitait la bourgade de Deuil, il avait trouvé judicieux d’orienter le lit de sa femme en direction du cimetière… Lorsqu’elle disparaît en 1957, son chagrin accentue encore sa misanthropie naturelle. Cinq ans plus tard, peu après sa mort, le Festival de Cannes lui rendit hommage : comme l’aurait dit Saturnin, en ménageant son habituelle pause insolite en fin de phrase, c’était tout de même un petit peu… tard !

    Jean-Paul Briant

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