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  • Françoise Rosay

    Naissance : 1891
    Décès : 1974
     
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    Françoise ROSAY

    Lorsque Françoise Rosay disparaît à l’âge de 83 ans, la presse salue « une grande actrice et une grande française » : il faut dire que cette « grande bringue » à la voix rauque et la chevelure argentée avait su - selon les mots de Jacques Siclier - « tout jouer, tout faire, pour notre plaisir, les grandes dames, les vieilles excentriques et même les flingueuses de série noire » et qu’elle fut, sur les ondes de Radio-Alger ou de la BBC, l’une des voix de la France libre.

    Sa mère, la comédienne Sylviac, sera une mère distante, encombrée de cette fille qu’elle confie à ses bonnes puis à diverses pensions chargées de lui enseigner les bonnes manières, le chant ou le piano, sans parler de l’anglais ou de l’allemand. A défaut d’affection, cette enfance itinérante lui donnera le goût des voyages et une pratique des langues qui lui permettra d’accomplir une carrière internationale. Les études achevées, sa mère l’inscrit aussitôt au Conservatoire dans la classe de Paul Mounet. Douée pour le chant, elle hésite encore entre le théâtre et l’opéra. Alors qu’elle chante « Egmont » à Lyon, peu de temps avant le début de la première guerre mondiale, elle se lie avec un jeune comédien belge, Jacques Frédérix, qui signera ses premières mises en scène du nom de Feyder. Françoise et Jacques se marient le 26 juillet 1917 et la comédienne met sa carrière entre parenthèses pour donner naissance à trois garçons. Elle apparaît tout de même dans « Les Vampires » (1915) de Feuillade ou « Les deux timides » (1928) de René Clair. A l’occasion, elle s’improvise assistante de son époux sur le tournage de « Visages d’enfants » (1923) ou « Carmen » (1926).

    L’arrivée du cinéma parlant change la donne : engagé par la MGM pour réaliser les versions françaises de films américains, Feyder entraîne sa famille à Hollywood. Lorsque Jacques tourne « Si l’Empereur savait ça » (1929), le directeur de production lui suggère d’engager son épouse pour un rôle extravagant de grande-duchesse fumeuse de cigares… Rien d’étonnant à ce qu’un tel film fasse un tabac lors de sa sortie en France ! Les distributeurs ont placé son nom en tête d’affiche : sans le savoir, Françoise Rosay est devenue une vedette. Elle tourne une douzaine de films hollywoodiens : un drame célèbre, « Le procès de Mary Dugan » (1929), et surtout des comédies comme « Le petit café » (1929) ou « Soyons gais » (1929). Partenaire de Buster Keaton dans la version française de « Buster se marie » (1929), elle s’y livre même à quelques acrobaties inattendues. Lorsque les Feyder rentrent en France, Françoise Rosay a définitivement adopté la coiffure blond platine. Elle accepte un premier rôle comique de mère la pudeur : au dernier plan du film, lorsque Fernandel l’embrasse goulûment, il ne mérite plus vraiment d’être appelé « Le rosier de Madame Husson » (1932) ! En quatre films, Jacques Feyder va lui donner ses titres de noblesse. Mélancolique tireuse de cartes dans « Le grand jeu » (1933) ou tenancière de la « Pension Mimosas » (1934), elle joue avec subtilité de beaux personnages de femmes troublées par l’âge et les regrets. Epouse du pleutre bourgmestre de « La kermesse héroïque » (1935), la voilà en féministe avant l’heure, fustigeant la lâcheté masculine. Dompteuse de fauves dans « Les gens du voyage » (1938), elle fait l’admiration de la presse venue sur le tournage en entrant résolument dans la cage aux lions. Elle tourne à Berlin un beau film méconnu, « La Symphonie des Brigands » (1938), où elle dit la bonne aventure, mais au palmarès des années 30, il faut surtout ajouter les deux premiers longs métrages de Marcel Carné. C’est Françoise Rosay qui lui mit le pied à l’étrier puisqu’elle suggéra à Feyder de le prendre comme assistant et accepta d’avance la vedette de son premier film. Sur un scénario de Jacques Prévert, ce sera « Jenny » (1936), une femme à la fois forte et fragile, tenancière d’un cabaret louche, mère aimante et amante malheureuse. C’est l’époque où Françoise Rosay semble se faire une spécialité de ces mères impérieuses acharnées à défendre le bonheur de leur enfant comme dans « Le ruisseau » (1938), un mélo qui a beaucoup vieilli, contrairement au génial « Drôle de drame » (1937), savoureux classique du tandem Carné-Prévert : bourgeoise collet monté, elle déclenche l’engrenage farfelu qui donne son titre au film, où elle houspille sans cesse son Michel Simon de mari mais pourrait céder à la déclaration d’amour de ce fou furieux de William Kramps, le tueur de bouchers incarné par Jean-Louis Barrault. S’il fallait ajouter une preuve des facettes diverses de son talent, on pourrait comparer son impériale Catherine II dans « Le joueur d’échecs » (1938) et la mère éplorée, proche de la folie, dans l’émouvant premier sketch de « Carnet de Bal » (1937).

    Histoire d’entendre la jeune Micheline Presle lui déclarer tout de go : « Je vous emmerde, Duchesse ! », elle tourne encore un film – « Elles étaient douze femmes » (1940) - au début des hostilités mais ne peut supporter de travailler en France occupée. Un message pacifiste adressé aux femmes allemandes et diffusé à la radio n’est pas du goût de Vichy : la voilà persona non grata. Pour subvenir aux besoins de la famille, elle part en tournée avec un spectacle composé d’une suite de sketches écrits par Jacques Feyder. Après la zone libre, ce sera la Suisse – où son mari la distribue dans quatre rôles différents pour son dernier film, « Une femme disparaît » (1941) - puis l’Afrique du Nord. Séparée de sa famille pendant de longs mois, elle séjourne à Tunis où elle donne des cours de théâtre et anime des émissions de propagande. Elle s’enfuit de Tunisie à l’arrivée des allemands et poursuit sa mission de propagandiste à Constantine, Alger et enfin Londres où elle vivra jusqu’à la fin de la guerre, active sur les ondes de la BBC mais aussi au théâtre et au cinéma : elle tourne deux films pour les studios Ealing, dont « Johnny Frenchman » (1944) où elle joue une patronne de pêche bretonne résistant à l’occupant ! En 1945, Françoise Rosay sera nommée Chevalier de la Légion d’Honneur « pour avoir servi efficacement la cause de la Libération ».   

    Séparé par la guerre depuis deux ans et demi, le couple Feyder se retrouve enfin. Jacques est malade et ne tournera plus, même s’il supervise « Macadam » (1946) : il meurt le 24 mai 1948 et c’est à cette date que la comédienne interrompt son livre de souvenirs, « La traversée d’une vie ». Pourtant, pendant vingt-cinq ans, Françoise Rosay ne cessera pourtant de tourner, en français, en anglais ou en allemand, côtoyant les plus grandes vedettes internationales, de Yul Brynner, dont elle joue la mère geignarde dans « Le bruit et la fureur » (1958), à Olivia de Havilland ou Anthony Quinn, sans parler de cinéastes aussi importants que Douglas Sirk et Otto Preminger pour qui elle reprend le rôle de la mère vengeresse dans « The 13th letter » (1951), remake du « Corbeau ». Si elle émeut dans « Maria Chapdelaine » (1949) ou « Les sept péchés capitaux » (1951), on la réclame surtout pour son autorité naturelle, par exemple dans « Le fils de personne » (1951), mélo italien où, comtesse abusive, elle interdit à son fils d’épouser une roturière. Il n’est pas rare que l’actrice impressionne ses jeunes partenaires, comme le jeune Brialy sur le tournage des « Yeux de l’amour » (1959) mais lorsque Denys de La Patellière lui fait comprendre que le débutant perd tous ses moyens par sa faute elle manifestera à son égard la plus grande gentillesse. Il faut bien dire qu’on ne joue pas tous les jours devant Catherine de Médicis, l’une de ses meilleures performances des années 50. Son attention aux autres comédiens est pourtant demeurée célèbre : c’est justement sur le tournage de « La reine Margot » (1954) qu’elle demande à Jean Dréville de cesser de filmer systématiquement le dos de son partenaire, un certain Louis de Funès…

    On oublierait volontiers que l’interprète de « Drôle de drame » et de « La kermesse héroïque » n’a jamais manqué d’humour. Le propos sarcastique de « L’auberge rouge » (1951) n’était pas pour lui déplaire : la confession de Marie Martin à travers le grill à châtaignes reste une scène d’anthologie, sans parler du couple cocasse d’aubergistes criminels qu’elle forme avec un Carette déchaîné. Les années 60 vont lui donner l’occasion de développer son penchant pour les réparties vachardes. Vieille receleuse à la langue bien pendue face à son pote Gabin dans « Le Cave se rebiffe » (1961), elle hérite d’excellentes répliques d’Audiard qui en remet une couche dans « La métamorphose des cloportes » (1965). Lorsqu’il passe à la réalisation, Audiard lui concocte le rôle en or de Léontine la Flingueuse, l’aïeule destroy de « Faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages » (1969) : à près de 80 ans, elle tient encore le haut de l’affiche en grand-mère à la main leste d’un joli « petit boudin » (Marlène Jobert !). « Trois milliards sans ascenseur » (1972) et « Pas folle la guêpe » (1972) exploiteront la même veine. Françoise Rosay continue de travailler, jusqu’au bout de ses forces, goûtant aussi aux charmes des dramatiques télévisées - elle campe la sévère duègne de « Ruy Blas » (1964) et redevient Catherine II dans « La fille du Capitaine » (1962) - ou des feuilletons populaires comme « L’âge heureux » (1966). Au théâtre, elle sera Tante Violette dite « La Soupière », une mémé insubmersible née de l’imagination de Robert Lamoureux. Jean Anouilh, qui la met en scène en 1970 dans « Cher Antoine », ne cache pas son admiration. La retraite ? Elle y pensait, mais pas avant 90 ans. Opérée d’une arthrose de la hanche, Françoise Rosay ne s’en  remettra pas. Curieusement, c’est « Le grand jeu », où elle ne tient qu’un rôle secondaire, que la télévision choisit de diffuser ce soir-là en hommage posthume - preuve paradoxale d’un immense talent d’actrice puisqu’en quelques scènes seulement, elle y éclipse tous ses partenaires…    

    Jean-Paul Briant

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