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  • Gabrielle Dorziat

    Naissance : 1880
    Décès : 1979
     
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    Gabrielle Dorziat
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    Gabrielle DORZIAT

    Cela paraît difficile à croire mais la vénérable Gabrielle Dorziat a débuté en femme nue ! C’est du moins ce qu’elle raconte, non sans humour, dans « Côté cour, côté jardin », son autobiographie parue en 1968. Il faut préciser qu’à l’époque de cette première apparition sur les planches, elle n’était qu’un beau bébé de dix mois figurant Moïse sauvé des eaux dans un spectacle scolaire. Après ces débuts précoces, Gabrielle Sigrist suit le parcours classique d’une enfant issue de la bourgeoisie. Lorsqu’à 17 ans elle envisage de suivre les cours du Conservatoire, sa mère s’y oppose farouchement. Gabrielle passe outre. A l’aube du XXè siècle, elle devient « Dorziat » et s’affirme en vedette du Boulevard : les auteurs en vogue lui écrivent de beaux rôles, elle mène la vie mondaine des célébrités, fréquente peintres et écrivains, pose en costume belle époque ou lance la mode des chapeaux signés Chanel. Au boulevard, on lui attribue les rôles de femmes volages et de fort tempérament. Au cours d’une tournée en Orient, elle tombe sous le charme du comte Michel de Zogheb, qui l’épouse au Caire en 1925. « Madame la comtesse » délaisse quelques temps les planches mais la seconde partie de sa carrière va lui réserver ses meilleures prestations : pour Jean Giraudoux, elle crée le personnage de Clytemnestre dans « Electre » mis en scène en 1937 par Louis Jouvet qu’elle retrouve avec enthousiasme dix ans plus tard pour « Tartuffe ». Jean Cocteau lui offre « La machine à écrire » en 1941 et surtout, en 1938, son rôle fétiche : Tante Léo dans « Les parents terribles ». En 1957, couronnement de soixante ans de carrière, elle entre à la Comédie Française pour jouer Agrippine dans « Britannicus ».

    Entre temps, « la Dorze » - comme l’appelait son ami le dessinateur Forain - est devenue l’un des piliers du cinéma français. Son premier film sera pourtant un essai non transformé : vedette de « L’infante à la rose » (1922), elle ne supporte pas de se voir à l’écran et bannit le cinéma de sa vie. Douze ans plus tard, Anatole Litvak fait irruption dans sa loge et lui propose le rôle d’une Sissi vieillissante dans « Mayerling » (1935) : mère compréhensive de l’archiduc Rodolphe, elle impose une présence et une émotion évidentes. Dès lors, elle ne s’arrêtera plus, alternant personnages plaisants ou antipathiques, le tout avec cette classe manifeste et cette finesse de jeu qui n’ont pas vieilli.

    D’emblée, on lui attribue les rôles qui réclament de l’allure et de l’autorité. A elle, les impératrices ou archiduchesses, les femmes du monde hautaines, les directrices rétrogrades comme celle de « Premier rendez-vous » (1941). Epouse odieuse de « Mollenard » (1937), elle affronte Harry Baur dans un duel d’anthologie ; Marquise d’Andeline, elle pousse sa fille dans les bras du même Harry Baur alias « Samson » (1936) afin de sauver sa famille de la ruine ; courroucée par l’inconduite des jeunes femmes trop libres, elle condamne Edwige Feuillère dans « La dame de Malacca » (1937) et s’oppose à Pierre Fresnay dans « Monsieur Vincent » (1947). Dans un registre plus inquiétant, elle sera la descendante d’une famille maudite dans « Le loup des Malveneur » (1942) ou une criminelle dans « Le voyageur de la Toussaint » (1942). Aimable Margrave dans « Le jugement de Dieu » (1949), elle n’en perfectionne pas moins son escrime à 69 ans passés face à un Jean-Claude Pascal éberlué. On sent sa jubilation à jouer l’ignoble Frochard dans la version italienne d’un classique, « Les deux orphelines », ou la Gourdan, l’entremetteuse de « Madame du Barry », deux productions de 1954.

    Pourtant, elle sut être émouvante dès « La fin du jour » (1938), ode aux comédiens oubliés signée Duvivier : une belle scène l’unit à Victor Francen pour un duo de vieilles gloires déclamant les vers d’antan devant un admirateur ravi. « Derrière la façade » (1939), son chagrin d’épouse trompée par un mari qui ne la regarde plus désespère ses deux garçons. Dans le film d’Ophuls, « De Mayerling à Sarajevo » (1939), elle tremble pour la vie de l’archiduc François-Ferdinand. Les compositions humoristiques sont également sa tasse de thé comme le prouvent ses échanges comiques avec Alerme - qui la trouve « adorable » en Comtesse de Saint-Hélie - dans « Le baron fantôme » (1942) ou son rôle de duègne dans « Ruy Blas » (1947), et plus encore sa joie manifeste à débiter des grossièretés sous la houlette de Clouzot qui en fait une tenancière de maison close dans « Manon » (1948) : « Qu’est-ce que c’est que ce petit con ? Merde alors, quel bordel ! ». Ce rôle lui vaudra une avalanche de lettres enthousiastes et un télégramme de félicitations signé Jouvet. 

    Ses deux plus grands rôles, elle les doit à Jacques Becker et Jean Cocteau. Dans « Falbalas » (1944), elle dirige avec tact la maison de couture du génial Philippe Clarence mais ne pourra rien pour éviter qu’il ne sombre dans la folie suicidaire. « Les parents terribles » (1948) nous permet de la revoir aujourd’hui dans son personnage préféré, cette Tante Léo si raisonnable et pourtant si fragile sous son masque de femme responsable. Viscéralement attachée à cette œuvre, Dorziat, toujours si pondérée, surprit son amie Danielle Darrieux lorsqu’elle sortit exceptionnellement de ses gonds en apprenant qu’on allait reprendre la pièce : « J’interdis qu’on la remonte. J’interdis que l’on joue le rôle de Léo : il est à moi ! Cocteau l’a écrit pour moi ! » En 1950, elle reçoit pour sa composition le Grand Prix du Cinéma Français. Remarquable en comtesse marieuse dans « La vérité sur Bébé Donge » (1951), elle entame dans les années 50 une carrière internationale, retrouvant pour l’occasion deux cinéastes de ses débuts revenus d’Hollywood : Robert Siodmak pour « Katia » (1959) et Anatole Litvak pour « Un acte d’amour » (1953) où elle joue en anglais avec Kirk Douglas, ce qu’elle fait également face à Bing Crosby dans « Le petit garçon perdu » (1952). On peut la voir en Italie, sévère et rétrograde, dans « Demain il sera trop tard » (1949) ou bien plus complaisante dans « Fille d’amour » (1953), transposition moderne de « La dame aux camélias ». Baronne « qui a manqué de tenue », elle donne des leçons de maintien à Danièle Delorme, l’adorable « Mitsou » (1956). Dans un de ses derniers films, « Gigot, Clochard de Belleville » (1961), c’est Gene Kelly qui la dirige.

    Cependant, après son rôle d’infirmière dans « Les espions » (1957) de Clouzot, on ne la voit plus que fugitivement : quelques dialogues enlevés avec Jean Gabin dans « Un singe en hiver » (1962) ou « Monsieur » (1964), quelques conseils maternels à Jean-Pierre Cassel au début de « Cyrano et D’Artagnan » (1963), une apparition dans « Germinal » (1962) ou « Thomas l’imposteur » (1964). C’est à la télévision qu’elle joue son dernier rôle important pour Stellio Lorenzi : succédant à Marguerite Moreno, elle incarne la vieille comtesse tyrannique de « La dame de pique » (1958), grand-mère d’un Jean Rochefort encore juvénile. Morte de trac à l’idée de jouer en direct, elle jure qu’on ne l’y reprendra plus. On la retrouve encore en mamie camarguaise, montant à cheval et tirant au fusil, dans le feuilleton « Frédéric le gardian » (1965) mais à 85 ans Dorziat quitte la scène et se retire dans sa belle maison de Biarritz. Toujours enthousiaste, elle a rayé le mot vieillesse de son vocabulaire et rêve au micro de Jacques Chancel d’un dernier rôle à l’écran, une grand-mère « sarcastique et hautaine ». Elle était bien décidée à devenir centenaire : lorsqu’elle meurt le 30 novembre 1979, son vœu était sur le point de se réaliser. Le théâtre d’Epernay, sa ville natale, porte aujourd’hui son nom.

    Jean-Paul Briant

     

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