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  • Sylvie

    Naissance : 1883
    Décès : 1970
     
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    Sylvie
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    SYLVIE

    « C’était en moi, c’était un virus, une vraie maladie : j’avais la vocation ! » C’est ainsi que Louise Sylvie évoque son envie très précoce de se mettre au service des auteurs et des metteurs en scène. Si le théâtre a empli sa vie, elle n’a jamais supporté son image en celluloïd. Pourtant, la cinquantaine venue, l’ex-jeune première de l’Odéon a multiplié les compositions de cinéma : souvent sévère, parfois malicieuse, toujours juste, elle tient tête aux comédiens les plus chevronnés avant de connaître in extremis la consécration internationale pour « La vieille dame indigne » (1964) de René Allio, son dernier film et son seul premier rôle en trente ans de cinéma parlant.   

    Au Conservatoire, Louise Pauline Mainguené est l’élève d’Eugène Silvain qui lui inspirera son pseudonyme. Elle obtient un premier prix de comédie et débute aussitôt au théâtre : nous sommes en 1902, la jeune comédienne de vingt ans devient l’ingénue vedette de l’Odéon ; la critique loue cette « artiste d’une sensibilité frémissante ». Elle jouera au théâtre près de quatre-vingts rôles. Le cinéma muet, elle n’a guère le temps de s’y consacrer : jeune première de mélodrame dans « Marie-Jeanne ou la fille du peuple » (1914), elle participe pourtant à quelques adaptations littéraires comme « Britannicus » (1912), « Ursule Mirouet » (1913) et surtout « Germinal » (1913) – où elle meurt tragiquement dans la mine – et « Roger la Honte » (1922) avec Gabriel Signoret.

    C’est Pierre Chenal, en 1935, qui la convainc de renouer avec l’écran pour « Crime et châtiment » : elle s’impose aussitôt en femme aigrie déversant sa bile sur son entourage, personnage dont elle déclinera de nombreuses variantes. Dans « L’affaire Lafarge » (1937), toujours sous la direction de Chenal, elle déteste sa bru. Dans « Carnet de bal » (1937), épouse d’un médecin peu reluisant, elle l’accable au cours d’une scène de ménage éprouvante qui la mène à sa fin tragique. Chez Duvivier encore, au milieu des comédiens retraités de « La fin du jour » (1939), elle joue « ce chameau de Tusini » aux répliques assassines : Jean Coquelin la traite de scorpion, de serpent et de champignon vénéneux ! « Entrée des artistes » (1938) et « Le père Goriot » (1945) nous la montrent en délatrice zélée. Lorsqu’elle joue une sage-femme dans « Le dossier noir » (1955), le dialogue sous-entend qu’elle pratique des avortements clandestins aux conséquences tragiques. Quelques femmes du monde insensibles ne déparent pas cette galerie comme la grande bourgeoise du « Voyageur sans bagage » (1943) ou l’aristocrate de « Pour une nuit d’amour » (1946) prête à sacrifier le bonheur de sa fille pour un mariage arrangé. N’oublions pas les servantes amères de « Pattes blanches » (1949) ou « Dieu a besoin des hommes » (1950) ni les mères possessives de Fernandel - « Le fruit défendu » (1952) - ou Bourvil - « Le miroir à deux faces » (1958) - peu enclines à apprécier l’intrusion de jolies femmes, qu’elles se nomment Françoise Arnoul ou Michèle Morgan.

    Mais ce n’est là qu’une facette de la carrière cinématographique de Sylvie. « Romance de Paris » (1941) la présente en image positive de la maternité ; pour la première fois, on la voit rire à l’écran : il est vrai qu’elle a pour fils le « fou chantant » ! Vieille dame aveugle dans « Marie-Martine » (1942), elle défend à coups de canne le bonheur de son fils menacé par un maître-chanteur fielleux. Mère éplorée d’un cancéreux acculé au suicide par « Le Corbeau » (1943), elle se transforme sous ses voiles de veuve en déesse de la vengeance. Le dernier plan du film laisse la criminelle impunie et il en ira de même pour l’habilleuse d’Erich Von Stroheim dans « On ne meurt pas comme ça » (1946). Au chapitre des figures maternelles, nous trouvons encore les mères corses de « L’île d’amour » (1943) ou « Nous sommes tous des assassins » (1952) et les veuves russes comme Madame Ivolvine dans « L’Idiot » (1943) et Marfa, la vieille mère du courrier du tsar dans « Michel Strogoff » (1956). Côté italien, elle joue la tendre aïeule de « Journal intime » (1961), visitée à l’hospice par ses petits-fils. Elle apporte beaucoup d’émotion aux apparitions d’une vieille femme esseulée cherchant vainement à nourrir les chats errant « Sous le ciel de Paris » (1950). 

    Même si elle s’appelle Melle Barge dans « La révoltée » (1946), celle que les génériques présentent volontiers sous le nom de Madame Sylvie incarne d’abord la raison et l’autorité comme dans le très beau premier film de Robert Bresson, « Les anges du péché » (1943), où elle s’impose en prieure bienveillante. Interprète d’Euriclée, la nourrice de Kirk Douglas alias « Ulysse » (1954), elle brandit le fouet et administre une sévère correction à une servante coupable. De façon plus légère, elle mène à la baguette Dalban, Modot et Berval, ses délinquants de fils, dans « Les truands » (1956). Dans le rôle de Madame Cristina, l’institutrice retraitée du « Petit monde de Don Camillo » (1951), elle n’hésite pas à houspiller, comme s’ils avaient dix ans, ces deux garnements de Peppone et Don Camillo ! « Crésus » (1960) de Jean Giono lui permet de retrouver Fernandel à qui elle essaie en vain d’enseigner quelques notions d’arithmétique. Elle doit l’une de ses prestations les plus mémorables à Marcel Carné qui la choisit pour sa transposition moderne de « Thérèse Raquin » (1953) : belle-mère déplaisante de Simone Signoret et mère trop aimante de Jacques Duby, elle ne se remet pas de la disparition de son fils et assiste, paralysée, aux manœuvres du couple meurtrier. Par la force seule de son regard, Sylvie poursuit les amants de sa haine et de sa malédiction muette : quel talent dans cette interprétation !

    Au théâtre Sylvie crée, en 1957, le rôle majeur de la richissime Claire Zahanassian dans « La visite de la vieille dame » de Dürrenmatt. Dix-sept ans après le film de Chenal, elle retrouve à la télévision sa robe noire de belle-mère haineuse dans « L’affaire Lafarge » (1954), une dramatique de Stellio Lorenzi avec Maria Casarès. Surtout, elle joue en 1964 Lady Hodwin dite « Lady Phonographe », cantatrice oubliée et « seul fantôme de cette histoire », dans le mythique feuilleton « Belphégor ». Elle vient d’avoir quatre-vingts ans : l’heure de la retraite a peut-être sonné quand un cinéaste débutant, René Allio, lui propose la vedette de son premier film : il lui faudra batailler un an durant pour imposer Sylvie à ses producteurs mais « La vieille dame indigne », ce sera Sylvie, malicieuse et entêtée, dans le rôle de Madame Bertini qui découvre le monde à la mort de son mari, se promène en calèche sur le Vieux Port, s’achète une 2CV et refuse les conventions dictées par ses enfants. Le film reste à l’affiche toute une année. Sylvie connaît la consécration internationale en recevant le prix d’interprétation féminine au Festival de Rio de Janeiro et l’Etoile de Cristal de l’Académie du cinéma français. « On ne voit pas le temps passer » chante Jean Ferrat au générique de son dernier film : après plus de soixante de carrière et le sentiment du devoir accompli, Sylvie choisit de quitter la scène sur ce triomphe populaire.

    Jean-Paul Briant

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