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    Naissance : 1895
    Décès : 1976
     
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    Jane Marken
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    Jane MARKEN

    Par la grâce de Jean Renoir (et de Maupassant !), Jane Marken a gagné sa place dans l’histoire du cinéma. Inachevé du fait d’un été 36 particulièrement pluvieux, sorti en salles en 1946 seulement, « Partie de Campagne » nous présente l’actrice sous les traits de Madame Dufour, boutiquière à la quarantaine épanouie, cédant voluptueusement aux charmes de l’escarpolette et des canotiers : la scène où elle s’abandonne en gloussant de plaisir a marqué la mémoire des cinéphiles. Douze ans plus tard, le rire est toujours là mais il vire à l’aigre : sous son maquillage défait, Marken crache ses quatre vérités au visage du pauvre Blier et le rire diabolique ponctue chaque flash-back comme autant d’étapes du chemin de croix du cocu découvrant le véritable visage de la femme qu’il aimait ; le duo Marken – Signoret de « Manèges » reste un grand moment de misogynie cinématographique !

    Difficile, après cela, de revenir en arrière et d’imaginer la petite Jeanne Crabbe – son vrai nom - en adolescente passionnée de théâtre enthousiasmant le cercle familial par sa lecture d’un poème de Victor Hugo. A peine sortie du Conservatoire avec un premier prix de comédie, le théâtre de l’Odéon l’engage comme pensionnaire : elle triomphe dans le rôle de Suzanne du « Mariage de Figaro ». Après une première apparition cinématographique dès 1912 chez Feuillade, c’est Abel Gance qui lance vraiment sa carrière en 1916. La fin de la décennie la voit très active tant au théâtre qu’au cinéma mais une rencontre déterminante va donner le coup de grâce à ce bel envol : à l’occasion d’une pièce au titre accrocheur (« Et moi, j’te dis qu’elle t’a fait de l’œil ! »), elle se retrouve partenaire de Jules Berry qui en fait sa compagne et lui interdit de paraître sur scène ! Pendant une dizaine d’années, elle se contentera d’applaudir au succès de son seigneur et maître. On comprend donc qu’un beau matin, Jeanne se soit lassée de ce rôle de faire-valoir ; son télégramme de rupture est resté célèbre, tant pour son laconisme que pour son humour : « J’ai assez ri ! »

    Jane Marken retrouve les feux de la rampe à l’orée des années 30. Abel Gance lui remet le pied à l’étrier, la distribuant régulièrement dans ses films, de « Napoléon Bonaparte » (1935) à « Paradis perdu » (1939). Pendant une douzaine d’années, Marken interprètera les mères attendries, les servantes attentives et les aubergistes aimables pour les meilleurs cinéastes du moment : outre Gance et Renoir, on la retrouve à quatre reprises chez Carné, deux fois chez Grémillon, mais aussi chez Guitry, Ophuls ou Becker. Servante de Harry Baur dans « Un grand amour de Beethoven » (1936), elle reçoit les confidences d’Yvonne Printemps - « La dame aux camélias » (1936) - ou de Jean Gabin alias « Gueule d’amour » (1937). Elle console Larquey, le père célibataire de « La marmaille » (1935). C’est elle qui prépare le philtre d’amour destiné aux nouveaux Tristan et Iseut de « L’éternel retour » (1943). Le bagout de Louis Jouvet la séduit dès « Copie conforme » (1946), au point d’accepter sans problèmes de devenir son épouse complaisante dans « Lady Paname » (1949). Retenons ses deux apparitions les plus marquantes chez Marcel Carné : Madame Lecouvreur, l’hôtelière au cœur d’or, qui adopte un petit orphelin de la Guerre d’Espagne avant d’offrir un travail à Annabella, la jeune suicidaire d’« Hôtel du Nord » (1938), mais aussi Madame Hermine, l’aimable logeuse des « Enfants du Paradis » (1943), qui susurre « Oh, Monsieur Frédérick, Monsieur Frédérick… » et se laisse gentiment courtiser par un Pierre Brasseur des grands jours.     

    La rencontre d’Yves Allégret va modifier son image. Déjà Sacha Guitry dans « Remontons les Champs – Elysées » (1938) avait fait d’elle une mère entremetteuse au service des amours de Louis XV ; « Lumière d’été » (1942) la montrait pitoyable, au lendemain d’un bal costumé, formant avec Marcel Lévesque un duo grotesque, mais c’est bien « Manèges » en 1949 qui sera le sommet de la carrière de Jane Marken. Après l’avoir distribuée en prostituée rieuse dans « Dédée d’Anvers » (1947) puis en aubergiste suspicieuse dans « Une si jolie petite plage » (1948), Allégret et son scénariste Jacques Sigurd lui offrent une partition de choix : le visage épaissi, elle s’impose en belle-mère virago, et son rire odieux n’en finit plus de retentir ! A la même époque, dans « Ces dames aux chapeaux verts » (1948), elle se goinfre de gâteaux pour oublier sa triste vie de vieille fille.  

    Tout au long des années 50, ses deux visages alterneront : épouse sympathique d’Yves Deniaud - alias Monsieur Leguignon – ou déléguée de l’Assistance Publique dans « Chiens perdus sans collier » (1955), elle s’avère effrayante de vulgarité en mère abusive doublée d'une redoutable commère Belle-Epoque dans « Chéri » (1950) et tyrannise son neveu Bourvil dans « Le trou normand » (1952). Parfois les deux images se superposent comme dans « Caroline chérie » (1950) où la brave nourrice de Martine Carol n’hésitera pas à la dénoncer à la vindicte révolutionnaire. De même, l’aimable couturière de « Des femmes disparaissent » (1958) n’est rien d’autre qu’une pourvoyeuse de chair fraîche destinée à la traite des blanches. Malheureusement, les cinéastes qui la dirigent à cette époque ne sont plus à la hauteur de leur interprète : pour une adaptation de « Knock » (1950), pour un Feydeau – « Le dindon » (1951) - ou un Anouilh, même quelques Delannoy, combien de Henri Lepage ou de Maurice Labro ? Heureusement, Julien Duvivier lui offre en 1957 un dernier triomphe dans « Pot-Bouille » adapté de Zola par Jeanson : dans le rôle de Madame Josserand, extraordinaire mégère enseignant à sa fille l’art de mettre le grappin sur les hommes riches, elle parvient à combiner la bassesse des sentiments et la drôlerie vacharde, transformant un personnage secondaire en centre d’intérêt majeur du film.

    Hélas, ce sera son chant du cygne : dans « Maxime », réalisé en 1958 par Henri Verneuil, sous le patronyme de Coco Naval, elle verse sans doute un peu trop dans la caricature. La nouvelle génération de cinéastes - à l’exception de Vadim et Molinaro - ne fait pas appel à elle. La télévision vient toutefois à la rescousse jusqu’en 1967, lui offrant quelques personnages savoureux : Madame Vauquer dans « Vautrin », l’épouse de Monsieur Perrichon, la duègne de « Cyrano de Bergerac » sans oublier sa participation à « La fille du capitaine » ou « L’ami Fritz ». N’oublions pas non plus une activité régulière au théâtre auprès d’André Roussin, Louis Ducreux ou Robert Thomas (elle crée « Huit femmes » avec Denise Grey en 61) ; deux classiques américains nous renvoient à nouveau la double image de Marken : vieille dame indigne dans « Arsenic et vieilles dentelles » et belle-mère despotique de Jeanne Moreau dans « La chatte sur un toit brûlant ». En 1971, Jane Marken se retira définitivement, après un demi-siècle de bons et loyaux services. Lorsqu’elle mourut cinq ans plus tard,  des suites d’une crise cardiaque, la presse n’en parla  guère : sa dernière sortie fut la plus discrète de toute sa carrière !                  

    Jean-Paul Briant

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