Gabrielle Fontan | Naissance : 1873 Décès : 1959 | |
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1932
Daïnah la métisse
1935
Jim la houlette
1936
La vie est à nous
1937
Vous n'avez rien à déclarer
1937
Un carnet de bal
1938
Entrée des artistes
1938
Ramuntcho
1938
Entente cordiale
1938
Le temps des cerises
1939
Le jour se lève
1939
La fin du jour
1941
Premier bal
1941
Les inconnus dans la maison
1942
La fausse maîtresse
1943
La main du diable
1943
Les Roquevillard
1943
Le val d'enfer
1943
Douce
1943
Le voyageur de la toussaint
1943
Un seul amour
1944
La collection Ménard
1945
François Villon
1945
Boule de suif
1945
Sylvie et le fantôme
1946
Torrents
1946
Messieurs Ludovic
1946
Jericho
1946
Destins
1947
Monsieur Vincent
1948
Manon
1948
Une si jolie petite plage
1948
Après l'amour
1950
Quai de Grenelle
1950
La Marie du port
1954
Les hommes ne pensent qu'à ça
1955
Le dossier noir
1955
Papa, maman, ma femme et moi...
1955
Voici le temps des assassins
1955
Trapeze
1956
Crime et châtiment
1956
Les aventures de Till L'Espiègle
1956
Mon curé chez les pauvres
1957
Les amants de demain
1957
Les misérables
1957
Bonjour Toubib
1957
L'amour est en jeu
1957
Pot Bouille
1958
En légitime défense
1958
En cas de malheur
1958
Premier mai (Le père et l’enfant)
1958
Chéri, fais-moi peur
1959
Pourquoi viens-tu si tard ?
1959
Julie la rousse
1959
Maigret et l'affaire Saint-Fiacre
Gabrielle FONTAN
Jeune première remarquée à l’aube du XXe siècle, Gabrielle Fontan ne ressemblait alors en rien à l’image que le cinéma nous proposera lorsque, âgée de 54 ans, elle débute une nouvelle carrière sous le parrainage de son maître Charles Dullin, vedette de « Maldone » (1927). Les yeux profondément enfoncés dans un visage émacié, petite, courbée, il semble qu’elle se tasse un peu plus à chacune de ses nombreuses apparitions, sa filmographie comptant près de 130 titres. On l’aperçoit trente secondes, le temps d’expirer, dans « Jéricho » (1945), à peine davantage dans « Manon » (1948), en concierge pour « Messieurs Ludovic » (1945) ou en paysanne au début de « Monsieur Vincent » (1947). Comme un petit plaisir ne se refuse pas, pourquoi ne pas paraître, même pour une seule réplique, auprès du grand Saturnin Fabre dans « Vous n’avez rien à déclarer ? » (1935) Dans « Pot-Bouille » (1957), pauvre vieille houspillée par un concierge prétentieux, elle a droit à deux phrases. De même, elle n’eut pas grand peine à apprendre son texte dans « Les grandes manœuvres » (1955) : « Qui ? Qui ? » répond à Jean Desailly la bonne sourdingue. Encore mieux : tantine radin de « La vie chantée » (1950), elle se fait carrément souffler son texte par son neveu de cinéma, Noël-Noël, qui double en chantant tous les rôles de son film. C’est elle qui joue la mère de Radek dans « L’homme de la Tour Eiffel » (1948) : on la reconnaît parfaitement mais le générique du film l’ignore. Même fugitivement, on la retrouve à l’affiche de nombre de classiques comme « Entrée des artistes » (1938), « Le jour se lève » (1939) ou « Les portes de la nuit » (1946) ; elle y joue « la vieille », ce qui n’étonnera personne : elle était déjà à sa place au milieu des comédiens retraités de « La fin du jour » (1939). Toutefois, dans « Un seul amour » (1943), Pierre Blanchar ne la trouve pas assez âgée pour le rôle de la vieille servante : aussi, la coiffe-t-il de cheveux blancs, histoire de lui donner vingt ans de plus. Gabrielle sait heureusement l’art de s’imposer en une seule scène, voyante effrayée par ce qu’elle lit dans « La main du diable » (1942) ou marchande de bonbons se lamentant sur le temps qui passe dans « Juliette ou la clef des songes » (1950).
Qu’elle s’appelle Fine ou Rose, Estelle ou Mariette, elle est la servante fidèle du cinéma français, aux ordres de grands patrons comme Françoise Rosay dans « Un carnet de bal » (1937), Raimu qui la traite d’« alouette sans tête » dans « Les inconnus dans la maison » (1941) ou Jean Gabin dans « Voici le temps des assassins » (1956). Le rôle de Madame Jules est l’un de ses meilleurs : elle s’occupe de tout, sans oublier la réplique aigre-douce et la leçon de morale à l’adresse de ce restaurateur qu’elle a élevé et qui se laisse tenter par le démon de midi. Elle sera excellente dans « Douce » (1943), le chef d’œuvre d’Autant-Lara qui l’engage à nouveau au service d’Odette Joyeux dans « Sylvie et le fantôme » (1945). Elle semble tellement faite pour cet emploi que ses enfants de cinéma la déguisent volontiers en bonne à tout faire : c’est le cas de Jean-Jacques Delbo, faux danseur argentin dans « Les caves du Majestic » (1944), ou de Madeleine Sologne, la belle aventurière du « Dessous des cartes » (1947).
Grand-mère embarquée dans la carriole des Dufour pour « Une partie de campagne » (1936) avec Jean Renoir, elle rêve encore au « Temps des cerises » (1937) mais la chance tourne dans « Le val d’enfer » (1943) où c’est en charrette que sa garce de bru la fait conduire à l’hospice. Elle forme un couple détonant, dans « Le veau gras » (1939), avec le tonitruant André Lefaur ou, dans « Boule de Suif » (1945), avec le malicieux Sinoël qu’elle présente comme « une brute ». Pourtant, la voix sifflante et haut perchée, elle se convertit fréquemment en vieille femme haineuse, comme dans « Premier mai » (1957) ou, pire, dans « Deux sous de violette » (1951) où Anouilh en fait la concierge qui dénonce ses locataires. En toute logique, la télévision la recrute pour le rôle de la Fée Carabosse dans « La Belle au Bois dormant » (1954). On ne voit pas qui d’autre pouvait jouer la détestable usurière assassinée par Raskolnikov pour le remake contemporain de « Crime et châtiment » (1956). Dans « Quai de Grenelle » (1950), l’inspecteur Robert Dalban la traite de « vieille cinglée » mais c’est bien son témoignage qui entraîne Henri Vidal sur le chemin du crime. L’habit de religieuse ne la rend pas moins mauvaise dans « La jeune folle » (1952) où elle s’acharne en ricanant sur la pauvre Danièle Delorme. Au temps de « Ces dames aux chapeaux verts » (1937), elle cultivait élégance et pruderie : elle change résolument de look dans « Porte des Lilas » (1956) où sa fripière, mère de Juju, le « bon à rien » ressemble vraiment à une clocharde. Sur sa lancée, voilà qu’elle boit son litron au goulot dans « Un certain Monsieur Jo » (1958).
Alors qu’elle mettait Fernand Ledoux à la retraite, au nom du jeunisme, dans « Papa, Maman, ma femme et moi » (1955), on l’aperçoit, âgée de 85 ans, aimable bonne sœur dans « Les Misérables » (1957) ou délatrice anonyme dans « En cas de malheur » (1958), deux films avec Jean Gabin, décidément l’un de ses partenaires d’élection : la preuve, elle tient encore, l’année de sa disparition, la boutique de Marie Tatin, l’épicière de « Maigret et l’affaire Saint-Fiacre » (1959). Gabrielle Fontan s’éteignit en 1959 après soixante-dix ans de carrière ininterrompue : un sacré parcours !
Jean-Paul Briant